En pleine COP30 au Brésil, le Global Carbon Project publie son rapport annuel et annonce que les émissions mondiales issues des énergies fossiles devraient atteindre 38,1 milliards de tonnes de CO₂ en 2025, un record historique. Si la progression est moins rapide qu’auparavant, l’hypothèse de limiter le réchauffement à +1,5 °C apparaît désormais hors d’atteinte.
Le calendrier ne pouvait être plus symbolique. Alors que les négociations climatiques de la COP30 battent leur plein au Brésil, le Global Carbon Project a rendu public, le 13 novembre, son rapport annuel sur les émissions de dioxyde de carbone. Et le verdict est clair : 2025 sera l’année de tous les records, avec 38,1 milliards de tonnes de CO₂ émis par l’usage d’énergies fossiles, soit une hausse de 1,1 % par rapport à l’année précédente.
Cette nouvelle progression s’inscrit dans un contexte paradoxal. Depuis plus d’une décennie, la trajectoire climatique mondiale n’a cessé d’inquiéter les scientifiques ; pourtant, le rythme de croissance des émissions semble aujourd’hui ralentir. Le contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Pierre Friedlingstein, qui a dirigé le rapport, y voit un signe encourageant : « Les choses s’améliorent. Si vous regardez le taux de croissance, il est bien plus bas aujourd’hui », explique-t-il à New Scientist. Le monde n’est donc pas sur une trajectoire de réduction, mais sur une trajectoire de moindre aggravation, nuance fragile mais significative.
Le rapport met cependant en lumière de fortes disparités régionales. En Chine, première puissance émettrice, les émissions ne devraient progresser que de 0,4 %. Une quasi-stagnation attribuée à l’essor massif des énergies renouvelables et à un ralentissement de la croissance industrielle. En Inde, la hausse avoisine 1,4 %, bien inférieure aux tendances récentes ; une mousson précoce aurait provoqué une augmentation atypique de la demande en climatisation. À l’inverse, les États-Unis et l’Europe devraient connaître une hausse de leurs émissions pour la première fois depuis plusieurs années, conséquence d’un hiver 2024-2025 particulièrement froid qui a relancé l’usage du chauffage fossile.
Si ces tendances annoncent peut-être un pic des émissions mondiales dans un futur proche, les scientifiques restent prudents. Glen Peters, du Centre for International Climate Research, avertit dans le Washington Post que « le pic semble toujours s’éloigner d’une année », au gré de tensions énergétiques, d’aléas climatiques et de politiques nationales insuffisamment coordonnées.
Un autre indicateur scruté de près est celui des puits de carbone. Après deux années de faible absorption, les terres et les océans montrent des signes de reprise. Une bonne nouvelle toutefois nuancée par une étude publiée dans Nature, soulignant que l’efficacité globale de ces puits décline sur le long terme : ils seraient aujourd’hui 15 % moins performants qu’ils ne l’auraient été sans le réchauffement climatique en cours. Une dégradation progressive qui réduit la capacité naturelle de la planète à absorber nos émissions.
Conséquence directe : l’objectif de contenir le réchauffement à +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle semble désormais hors d’atteinte. Le rapport estime que le « crédit carbone » restant pour atteindre cette cible est de 170 milliards de tonnes de CO₂, soit l’équivalent de seulement quatre années d’émissions actuelles. Quant aux seuils associées aux trajectoires de +1,7 °C et +2 °C, ils pourraient être dépassés d’ici douze à vingt-cinq ans si les émissions fossiles suivent la tendance actuelle.
Pour les négociateurs réunis à la COP30, le constat est implacable : le monde ne parvient pas à inverser la courbe, même si certains leviers commencent à porter leurs fruits. Le rapport du Global Carbon Project rappelle que la fenêtre d’action se referme rapidement et que la décennie en cours reste décisive. Dans l’immensité des chiffres et des prévisions, une réalité se dégage : chaque année de statu quo rapproche durablement la planète d’un seuil climatique que beaucoup jugeaient encore atteignable il y a peu.
Sources :
Courrier international – Article publié le 13/11/2025 – [lien]
Global Carbon Project – Rapport annuel 2025 – [lien]