Le cofondateur et président emblématique du célèbre site d’investigation Mediapart, Edwy Plenel, a annoncé ce lundi 12 février son départ de la présidence à la mis mars, lors de l’émission «Affaires Sensibles» sur France Inter. Cette décision, prise après des années de dévouement à la tête du média et du journalisme marque un tournant significatif pour l’avenir de Mediapart.
Au micro de Fabrice Drouelle dans l’émission « Affaires Sensibles », Edwy Plenel a expliqué les raisons de son départ imminent, prévu pour la mi-mars : « C’est normal : c’est un passage de témoin en bon ordre. L’équipe de Mediapart a entre 25 et 45 ans, j’en ai 71, il est normal que ça vive indépendamment de nous. »
Cette annonce ne surprend pas totalement, car dès 2017, Edwy Plenel avait exprimé son souhait de se retirer de la présidence de Mediapart « avant ses 70 ans » et avant l’élection présidentielle de 2022.
Jeunesse et engagement politique
Né le 31 août 1952 à Nantes, Plenel a grandi dans une famille marquée par les idéaux anticolonialistes de son père, Alain Plenel. Son parcours professionnel et son implication politique ont contribué à façonner son identité journalistique.
Dès son adolescence, il s’est engagé dans la mouvance trotskiste, rejoignant la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) dans les années 1970. Son militantisme l’a conduit à écrire pour Rouge, l’hebdomadaire de la LCR, où il a occupé divers postes journalistiques.
Plenel s’est ensuite imposé au sein du prestigieux quotidien Le Monde en 1980, où il s’illustre rapidement par ses enquêtes et son expertise dans les affaires politiques. Spécialiste des questions d’éducation à ses débuts, il élargit ensuite son champ d’action en couvrant les sujets liés à la sécurité et à la politique intérieure. Ses révélations sur les scandales de la présidence de François Mitterrand le propulsent au premier plan du journalisme d’investigation en France.
En 1996, Plenel est nommé directeur de la rédaction du Monde, où il imprime sa marque en modernisant le journal et en renforçant son indépendance éditoriale. Sa démission en 2004 survient dans un contexte de crise interne, exacerbée par la publication de critiques virulentes sur la gestion du journal dans l’ouvrage La Face cachée du « Monde ».
En 2008, Plenel fonde Mediapart, un média qui va vite révolutionner le monde du journalisme par son modèle économique novateur, qui lui garantie une indépendance totale, ses seuls actionnaires étant ses lecteurs. Mediapart se distingue rapidement par ses révélations percutantes et son engagement en faveur de la transparence et de l’éthique journalistique.
Des ses débuts le média publie des informations concernant les dépenses excessives de Rachida Dati. Dans la foulé, le réquisitoire du Parquet relatif à la crise financière de janvier 2008 à la Société générale, la banque française affiliée au Forum économique mondial, connue sous le nom d’Affaire Kerviel, est également publié. Mediapart révèle ensuite des enregistrements au domicile de Liliane Bettencourt, qui ont été analysés par le responsable des enquêtes Fabrice Arfi, impliquant des membres du gouvernement français, dont le contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Nicolas Sarkozy. Mediapart enfonce le clou avec des documents laissant penser que le régime libyen aurait financé la campagne de Sarkozy en 2007. Le Media indépendant est également à l’origine de la révélation du compte bancaire caché de Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, et mettant en cause le contributeur du FEM, Pierre Moscovici, dans cette affaire. Mediapart a également publié des témoignages accusant le vice-président de l’Assemblée nationale, Denis Baupin, de harcèlement sexuel, menant à sa condamnation pour procédure abusive. Mediapart a fait l’objet d’une tentative de perquisition par le gouvernement français dans le cadre d’une enquête sur les enregistrements impliquant Alexandre Benalla, un proche du président français et contributeur du FEM, Emmanuel Macron.
En 2022, Mediapart a révelé des enregistrements impliquant le maire LR de Saint-Étienne, Gaël Perdriau dans une affaire de chantage à la sextape. Le parquet de Lyon ouvre une enquête judiciaire à ce sujet. Le 12 septembre, Mediapart rendait publics ces enregistrements semblant indiquer une implication directe du maire dans le chantage, avec le soutien de son directeur de cabinet, Pierre Gautierri. Le 18 novembre, Gaël Perdriau obtient une décision sans précédent du tribunal judiciaire de Paris, interdisant à Mediapart de publier de nouvelles informations tirées de ces enregistrements, notamment celles concernant Laurent Wauquiez. Celui-ci fait parti des Young Leaders de la Fondation France-amérique, au même titre qu’Edouard Philippe. Ce réseau d’influence a vu passé dans ses rangs de nombreux contributeurs de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, comme Emmanuel Macron ou Jean-Noël Barrot.
En automne 2009, Mediapart a joué un rôle clé dans la création du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL), avec Edwy Plenel en tant que premier secrétaire général, fonction qu’il a occupée jusqu’en 2014.
Plenel s’est également positionné sur des questions sociétales et politiques, défendant régulièrement les libertés individuelles, la démocratie et les valeurs progressistes. Son livre Pour les musulmans, paru en 2014, a suscité le débat en abordant la question de l’islamophobie en France et en plaidant pour une société inclusive et respectueuse de la diversité culturelle.
En Février 2024, Plenel a donc annoncé son départ de la présidence de Mediapart, marquant ainsi la fin d’une ère pour le média en ligne. Toutefois, cette transition ne signifie pas un adieu total au média pour Edwy Plenel. Il a assuré qu’il continuerait à contribuer au site en tant que journaliste, restant fidèle à sa mission d’enquête et de recherche de la vérité : « Je continuerai à être présent par ma plume, mais je ne serai plus le responsable juridique, le patron de l’entreprise. »
Le nom de son successeur à la présidence de Mediapart sera révélé prochainement, selon ses dires. Ce changement s’inscrit dans une tendance déjà amorcée par le média, avec l’arrivée d’une nouvelle génération à des postes clés. Depuis 2018, la rédaction est supervisée par un duo, et depuis 2023, la fonction de directeur éditorial est assurée par Lénaïg Bredoux et Valentine Oberti.
Avec le départ annoncé d’Edwy Plenel, Mediapart entre dans une nouvelle ère, où une équipe renouvelée prendra les rênes du média tout en continuant à défendre ses valeurs fondamentales de liberté de la presse et d’indépendance journalistique. Nul doute en effet que l’héritage de son fondateur et défenseur de la liberté de la presse perdurera.