Face aux journalistes, le général Thierry Burkhard a livré aujourd’hui une analyse alarmiste et grave des menaces actuelles. Crises multiples, terrorisme, criminalité, cyberattaques, compétition stratégique mondiale et menace russe : il estime que la France entre dans une ère où la guerre doit être évitée par la préparation et la détermination.
Lors de sa conférence de presse, le général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées, a dressé un tableau sombre de la situation stratégique française et mondiale. D’emblée, il a tenu à rappeler que la défense des Français ne reposait pas uniquement sur les armées, mais aussi sur la diplomatie, les forces de sécurité intérieure, le renseignement et les services de secours.
Selon lui, l’époque où une crise chassait l’autre est révolue. Aujourd’hui, les crises se superposent et se multiplient. S’appuyant sur les données du Comité international de la Croix-Rouge, il a souligné qu’en trente ans, le nombre de conflits est passé de 30 à 120 dans le monde. Il y voit un « effet cliqué » : des étapes franchies sans possibilité de retour en arrière. « Il faut se préparer à gérer le monde tel qu’il est aujourd’hui », a-t-il insisté, écartant l’idée d’un simple retour à la normale.
Le général Burkhard a détaillé l’augmentation du budget de la défense, passé de 32,3 milliards d’euros en 2017 à 47,2 milliards en 2024, résultat des deux lois de programmation militaire qui, selon lui, ont anticipé la dégradation sécuritaire mondiale. Il a ensuite dressé un panorama des menaces. D’abord celles qui touchent directement les Français, comme le terrorisme, qui reste présent malgré la priorité donnée à la haute intensité. Il a rappelé l’action des forces françaises en Irak pour contenir la menace djihadiste, et évoqué la mission Harpie en Guyane contre l’orpaillage illégal, ainsi que la lutte contre les trafics de drogue, citant les 33 tonnes de cocaïne saisies par la Marine depuis le début de l’année.
Le général a insisté sur l’importance des ressources halieutiques, la France disposant de la deuxième zone économique exclusive du monde, et a pointé la criminalité cyber qui cible, selon lui, tous les pans de la société, des hôpitaux aux PME. Il a décrit la compétition qui s’exerce « dans tous les champs de l’activité humaine », visant à tester la détermination française et à fragiliser sa cohésion nationale.
Abordant la compétition stratégique mondiale, il a dénoncé les actions de la Chine, notamment des campagnes d’espionnage et de discrédit contre l’industrie française, citant le Rafale visé en Inde. Il a décrit l’Iran comme un État pratiquant le terrorisme, soutenant des proxies comme le Hamas, le Hezbollah et les Houthis, et a exprimé sa crainte d’une relance hors contrôle du programme nucléaire iranien.
Quant à la Russie, il la désigne comme la menace « durable, proche et dimensionnante » pour la France et l’Europe. « Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Poutine qui a dit que la France est son adversaire principal en Europe », a-t-il déclaré. Il décrit une puissance militaire complète, nucléaire et conventionnelle, qui développe une capacité de nuisance assumée et investit massivement dans la guerre informationnelle, l’espace, le cyber et les fonds marins. Il a évoqué des exemples concrets, des sous-marins russes en Atlantique et Méditerranée aux campagnes de désinformation visant à semer le doute au sein de la société française.
Pour lui, l’enjeu ukrainien est existentiel. Si la Russie l’emportait, ce serait « une vraie défaite européenne », transformant l’Europe en « herbivore dans un monde de carnivores ». Il appelle donc à une réponse européenne forte, tout en maintenant le lien transatlantique malgré la baisse annoncée de l’engagement américain. Son objectif, dit-il, n’est pas de gagner la guerre, mais de l’éviter par la dissuasion, la préparation et la détermination affichée.
Le général Burkhard a défini quatre marqueurs de la conflictualité contemporaine : un emploi de la force désinhibé, la contestation de l’ordre occidental établi depuis 1945, la puissance de l’information comme arme et catalyseur, et enfin l’impact du changement climatique, qu’il considère comme un « catalyseur de chaos ». Il a exhorté à refuser l’accoutumance à la violence, rappelant qu’il n’est pas normal qu’un État tire 300 missiles sur un autre sans susciter l’indignation générale.
Face à ce tableau sombre, le général Burkhard plaide pour une réponse européenne, même s’il estime que la France dispose encore, grâce à son modèle d’armée complet, de la capacité d’agir seule. Dans un contexte de fragilisation progressive de la protection américaine et de l’incertitude croissante autour de la politique de Donald Trump, il note que « tous les pays ne sont pas égaux face à la nouvelle situation américaine ».
À la l’approche du discours d’Emmanuel Macron prévu le 13 juillet, cette prise de parole militaire vise à préparer l’opinion aux annonces présidentielles attendues sur le réarmement du pays alors que le chef de l’Etat a déjà annoncé hier la modification de la doctrine nucléaire française depuis le Royaume-Uni.
Source : Discours du général Thierry Burkhard, conférence de presse du 2025-07-11.