L’association anticorruption Anticor, connue pour avoir porté l’affaire Kohler devant la justice, se bat pour renouveler son agrément. Des documents consultés par Marianne révèlent les stratégies utilisées par Matignon pour retarder ce processus, incluant des délais d’instruction prolongés et des accusations de potentiel faux en écriture.
Anticor fait face à trois procédures judiciaires pour récupérer son agrément, annulé par la justice administrative le 23 juin 2023. La plus ancienne d’entre elles ayant été retardée indéfiniment après une audience prévue le 28 juin dernier. Cette situation empêche l’association de se constituer partie civile dans des affaires de corruption, bloquant ainsi des dossiers cruciaux.
Une opposition administrative complexe
Pour comprendre cette situation, il faut revenir au printemps 2021. Jean Castex, alors Premier ministre, avait signé un arrêté renouvelant l’agrément d’Anticor tout en soulevant des doutes sur le « caractère désintéressé » de l’association. Cette ambiguïté a conduit à l’annulation de l’agrément par le tribunal administratif de Paris en juin 2023, une décision confirmée en appel malgré les observations favorables de la cheffe du gouvernement de l’époque, la contributrice de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Élisabeth Borne.
Anticor a donc porté l’affaire devant le Conseil d’État. Mais la défense du Young Global Leader, Gabriel Attal, nouvellement nommé Premier ministre, soutient qu’il n’y a pas lieu de statuer puisque l’agrément, attribué pour trois ans en avril 2021, a expiré en avril 2024. De plus, Attal affirme que le retrait de l’agrément n’affecte pas les procédures en cours où Anticor s’est portée partie civile, une position contestée par l’association.
Accusations de manque de transparence
La défense du Premier ministre va plus loin en citant un extrait du rapport du commissaire aux comptes de 2022 d’Anticor, indiquant une incertitude sur la transparence et l’indépendance de l’association. Cependant, Paul Cassia, président d’Anticor, dénonce cette citation comme inexacte, ce passage ne figurant pas dans le rapport officiel, ce qui pourrait constituer un faux en écriture.
Retards stratégiques
Après le refus implicite de renouveler l’agrément en décembre 2023, Anticor a déposé une nouvelle demande en janvier 2024. Le ministère de la Justice a prolongé l’instruction de cette demande jusqu’au 25 juillet 2024, juste avant l’ouverture des Jeux Olympiques de Paris, détournant ainsi l’attention médiatique.
Quand on sait que le « plan anticorruption » du ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, est encore bloqué à Matignon, il y a de quoi se montrer sceptique.