Dans l’arène effervescente des réseaux sociaux, où les mots fusent plus vite que les rimes d’un rappeur enflammé, un nouveau round vient de s’achever entre deux figures emblématiques de la culture française polarisée. D’un côté, Médine, le rappeur havrais engagé, voix de la banlieue et de l’anti-racisme, qui rassemble des foules immenses pour des causes progressistes. De l’autre, Damien Rieu, militant d’extrême droite, avocat et ancien porte-parole de Génération Identitaire, connu pour ses provocations virales et ses attaques contre l’islam politique. Ce 22 novembre, un simple concert de Médine à Paris a dégénéré en clash hilarant et cinglant, cristallisant les tensions idéologiques qui traversent la France en cette fin 2025.
Tout commence par un événement festif et militant : le concert de Médine dans la capitale, organisé dans le cadre d’une mobilisation anti-fasciste. Devant une foule estimée à plusieurs milliers de personnes – des chiffres officieux parlent même de 70 000 âmes en liesse à travers la journée –, le rappeur interprète ses tubes engagés, de Don’t Laïk à des inédits sur la laïcité et les droits humains. L’ambiance est électrique : drapeaux arc-en-ciel, slogans contre le racisme, et une énergie qui transcende les clivages générationnels. Mais pour Damien Rieu, observateur attentif depuis son clavier, ce rassemblement est une aubaine pour une critique acérée.
Sur X (anciennement Twitter), Rieu poste une vidéo de la foule en liesse, zoomant sur a foule et commentant : « Jamais vu aussi peu de diversité au m². » « ‘L’anti-fascisme’ et surtout un entre-soi de petits blancs. Meédine est devenu l’idole du bourgeois canaille mais pour la banlieue il est devenu ringard. »
La pique est double : d’une part, Rieu insinue que le public de Médine – majoritairement blanc, selon lui – trahit l’essence « banlieusarde » du rappeur ; d’autre part, il moque l’anti-fascisme comme un club élitiste, un « entre-soi » déconnecté des réalités populaires. Le post, vu plus de 600 000 fois en 24 heures, enflamme immédiatement les débats. Rieu, fidèle à sa réputation de « lanceur d’alertes » (comme il se décrit sur son profil), accumule plus de 2 200 likes et 250 reposts, mais aussi une vague de répliques hostiles.
La riposte de Médine : humour et uppercut familial
Médine, jamais en reste face aux attaques, ne tarde pas à contre-attaquer. À peine une demi-heure plus tard, il quote le post de Rieu avec une réponse laconique et dévastatrice : « Y’avait ton daron dans la foule « . Traduction pour les non-initiés : « Ton daron » signifie « ton père » en argot. La réplique explose : plus de 10 000 likes, 675 reposts et 376 réponses en une journée.
Les internautes s’en donnent à cœur joie. « Au moins lui il sait où est son père », tweete l’un d’entre eux, « Merci Médine on baise les fachos comme jamais », renchérit un autre. « Quand y’a des arabes t’es islamistes, qd y’a des blancs t’es l’idole des bourgeois. Ils sont tellement racistes que face à deux couleurs de peau de la foule ils changent d’avis sur la même personne », note encore un autre.
Un historique de vendettas : du Bataclan aux tribunaux
Ce n’est pas la première escarmouche entre les deux hommes. Leur rivalité remonte à 2018, quand Rieu lança la campagne #PasDeMédineAuBataclan contre les concerts prévus par le rappeur dans la salle symbole des attentats du 13 novembre 2015. Rieu arguait que les textes de Médine – comme l’album Jihad, le plus grand combat est contre soi-même (2005) ou le titre Don’t Laïk (2015), avec ses lignes provocatrices sur la laïcité – glorifiaient l’islamisme et offensaient les victimes. La mobilisation en ligne força l’annulation des dates au Bataclan, une « victoire » que Rieu revendique encore sur son site personnel.
Médine riposta par un débat tendu avec Rieu sur YouTube, où le rappeur défendit sa liberté d’expression et accusa l’extrême droite de censure. « La provocation n’a d’utilité que quand elle suscite un débat, pas quand elle déclenche un rideau de fer », avait-il toutefois admis en 2017 lors d’un séminaire à l’ENS, se distançant de certains textes passés.
Depuis, les échanges se sont multipliés : en 2020, Rieu a traité Médine de « rappeur islamiste » pour ses passages radio ; en 2022, il taclait de nouveau le rappeur pour son soutien à Hassan Iquioussen, imam et conférencier marocain d’obédience frériste, membre de Musulmans de France organisation réputée proche des Frères musulmans. Rieu, condamné en 2024 à huit mois de prison avec sursis pour cyberharcèlement, cumule les plaintes – la dernière en date impliquant Karim Benzema après une attaque contre sa compagne Lyna Khoudri lors des commémorations du 13 novembre.
Réactions : un miroir des fractures françaises
Le clash divise, comme toujours. Du côté gauche et anti-raciste, c’est une victoire symbolique : « Impressionnant : 70 000 personnes rassemblées contre le fascisme, diversifiées et en pleine énergie. Mais toi tu parles encore d’’entre-soi’… C’est plus de la critique, c’est de la mauvaise foi sociale », a tweeté un internaute.
À droite, on défend Rieu : « Pourtant sur le fond il n’a pas tort. Y’a que du bourgeois-bohème blanc qui t’écoute mdr ».
Au-delà du buzz : un symptôme sociétal
Ce ping-pong verbal, révèle les fractures d’une France en ébullition. Médine, passé de l’islam politique revendiqué à un militantisme laïque et inclusif, incarne pour ses fans une résistance culturelle face à la montée des extrêmes. Rieu, avec ses 500 000 abonnés sur X, alimente un discours sécuritaire qui séduit une base lassée des tensions communautaires. Leur duel, amplifié par les algorithmes, polarise encore plus : d’un concert naît un débat sur la diversité, la laïcité et qui « représente » vraiment la banlieue.
En fin de compte, qui gagne ? Médine rafle la mise en terme de visibilité : son post dépasse les vues de Rieu. Reste à voir si ce « daron dans la foule » marquera la fin d’un round… ou l’ouverture d’un autre.