Des chercheurs chinois annoncent avoir réussi un exploit inédit : faire fonctionner un réacteur nucléaire au thorium en continu et le recharger sans l’arrêter. Une avancée majeure qui pourrait transformer l’avenir de l’énergie nucléaire civile.
Quelques mois après la détection d’une installation de fusion nucléaire géante dans la province du Sichuan, la Chine vient de franchir une étape déterminante dans le domaine de la fission nucléaire. Des chercheurs de l’Académie chinoise des sciences ont révélé avoir fait fonctionner un réacteur expérimental au thorium dans le désert de Gobi, atteignant un niveau de puissance maximale en juin dernier, tout en réalisant une première mondiale : le rechargement du combustible sans arrêt du réacteur.
Une alternative plus sûre et moins militarisable que l’uranium
Contrairement à l’uranium, qui est le combustible utilisé dans la plupart des réacteurs actuels et présente des risques de prolifération nucléaire, le thorium est considéré comme plus sûr et difficile à militariser. Il s’agit d’une ressource plus abondante, moins radioactive et inefficace pour produire des armes nucléaires, ce qui en fait un candidat sérieux pour l’énergie civile de demain.
Le réacteur chinois est un prototype de 2 mégawatts, de type réacteur à sels fondus (MSR). Dans cette technologie, le combustible est dissous dans un sel liquide qui agit à la fois comme source d’énergie et fluide de refroidissement. Ce système présente plusieurs avantages : fonctionnement à basse pression, résistance aux températures élevées et surtout, en cas d’accident, le combustible se solidifie naturellement sans risque d’explosion, contrairement aux réacteurs à eau sous pression comme Tchernobyl.
Une technologie née aux États-Unis, relancée par la Chine
Les réacteurs à sels fondus ne sont pas une invention récente. Les États-Unis avaient commencé à les développer à la fin des années 1940, dans le cadre de projets militaires ambitieux, comme les bombardiers furtifs nucléaires. Mais en 1961, le Congrès américain mit fin au financement, préférant miser sur l’uranium. L’ensemble des données de recherche fut alors rendu public.
C’est sur cette base que les scientifiques chinois ont bâti leur prototype, comme l’explique Xu Hongjie, chef du projet :
« Les lapins font parfois des erreurs ou deviennent paresseux. C’est alors que la tortue saisit sa chance. »
Une métaphore directe pour souligner que la Chine a su tirer profit de l’abandon américain pour prendre une longueur d’avance dans la course à l’innovation énergétique.
Depuis 2018, l’Institut de physique appliquée de Shanghai a connu une croissance fulgurante, passant de quelques dizaines à plus de 400 chercheurs, signe d’une nette accélération des travaux.
Désormais solidement positionnée parmi les leaders du nucléaire civil, la Chine projette déjà la construction d’un second réacteur à sel fondu au thorium, cette fois-ci bien plus grand et plus performant. Sa mise en service est prévue d’ici 2030, avec une capacité de production électrique de 10 mégawatts.
Une révolution énergétique en marche
Ce nouveau réacteur pourrait bien révolutionner le nucléaire civil en apportant une réponse aux enjeux de sécurité, de durabilité et de lutte contre la prolifération nucléaire. Le thorium, couplé à la technologie des sels fondus, pourrait permettre à terme de produire de l’énergie propre à grande échelle, avec des risques environnementaux réduits.
Sources : GEO, Interesting Engineering.