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Carlos Tavarez. Photo : @Alexander Migl

Carlos Tavares estime que la France est « au bord de la guerre civile »

Dans une interview au Point publié ce jeudi 16 octobre, l’ex-patron de Stellantis déroule le diagnostic cru qu’il développe dans son livre à paraître, Un pilote dans la tempête (Plon). Crise française, stratégie électrique européenne, rapport aux “riches”, départ de Stellantis : Carlos Tavares assume, revendique et bouscule.

Retiré de l’automobile depuis son départ précipité de Stellantis fin 2024, l’ex-dirigeant ne chôme pas :préparation de voitures de course, gestion hôtelière, projets d’investissement dans la compagnie aérienne des Açores et le circuit d’Estoril. « Chaque jour compte », souffle-t-il. Cette énergie sert un livre, Un pilote dans la tempête, où il prend la France et l’Europe à rebrousse-poil. L’ouvrage, attendu chez Plon le 23 octobre 2025, promet un mélange d’autobiographie industrielle et de thèses tranchées sur l’économie politique du Vieux Continent.

Tavares revient d’abord sur son départ de Stellantis. Il raconte une rupture née d’un désaccord stratégique au sommet : fallait-il temporiser sur l’électrique ou accélérer pendant que d’autres « freinaient » ? Il a choisi l’attaque. Puis le fameux coup de fil de John Elkann évoquant une « perte de confiance ». « La confiance, c’est réciproque », rétorque Tavares, qui refuse l’idée d’un limogeage humiliant et assume « 100 % » de sa responsabilité de patron. Au fond, plaide-t-il, l’automobile « perd le contrôle de son destin » sous la pression de facteurs exogènes — tarifs, normes, géopolitique — et se dirige vers une consolidation « brutale » si les dirigeants n’ont plus de marge de manœuvre.

Sur l’Europe, sa charge est frontale. Depuis le “dieselgate”, Bruxelles serait devenue « dogmatique », punissant tout un secteur plutôt que le seul fraudeur. L’interdiction progressive des moteurs thermiques aurait dû se faire « par paliers » d’émissions pour laisser le temps de développer des technologies à faible CO₂ et maintenir des véhicules abordables pour les classes moyennes, estime-t-il. À l’inverse, l’accélération a « ouvert un boulevard aux Chinois », tandis que les droits de douane ne seraient qu’« un emplâtre sur une jambe de bois » : si les marques chinoises assemblent en Europe avec des pièces locales, l’avantage s’érode et « l’automobile européenne devient chinoise ».

Vient la France, et le constat qui fait grincer : « La France peut-elle s’en sortir ? J’ai un vrai doute. » Tavares décrit un pays rétif à l’effort, dopé au mensonge protecteur, menacé de « misère » ou de « guerre civile » si la création de richesse s’assèche. Le propos choque, mais l’intéressé revendique sa légitimité d’“ex-boursier” de la méritocratie républicaine. Il renvoie dos à dos la « haine des patrons » et la « bureaucratie » qui étoufferait les projets industriels, citant l’exemple d’ACC à Douvrin : quatorze mois pour autoriser une usine de batteries en pleine urgence climatique, quand la fusion PSA–FCA fut bouclée en treize.

Interrogé sur sa rémunération et son indemnité de départ — cible de critiques récurrentes —, Tavares défend des contrats « respectés » et rappelle le risque juridique et personnel pesant sur les dirigeants. Pourquoi, demande-t-il, tolérer sans sourciller la rémunération stratosphérique de joueurs de foot, mais pas celle d’un chef d’entreprise qui « emmène » ses équipes et répond de leurs résultats ? Quant à la « taxe Zucman », il suggère que les plus aisés l’accepteraient mieux présentée comme une « contribution » à un problème identifié que comme un procès en illégitimité de la réussite.

Son management, Tavares l’assume comme un coaching exigeant : fixer la barre haut, faire grandir sans “casser”. L’étiquette de « psychopathe de la performance » ? Abandonnée, concède-t-il, à la demande des syndicats et de son épouse, tant l’expression faisait « tueur en série ». Reste une profession de foi : l’innovation se finance par la productivité des activités maîtrisées. Autrement dit, réduire les coûts du thermique pour investir dans l’électrique ; une mécanique économique plus sèche que séduisante, mais qui revendique sa cohérence.

Au bout du compte, l’entretien compose un autoportrait en capitaine à contre-courant, nostalgique d’une Europe industriellement puissante et d’une France du travail, hostile aux demi-mesures et aux procès en réussite.

Sources :
Le Point – Carlos Tavares : « La France peut-elle s’en sortir ? J’ai un vrai doute. » (16/10/2025) – Le Point.fr

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