Le Sénat a adopté le budget 2026 de la mission « sécurités », en progression de 371 millions d’euros. Les sénateurs ont accru les enveloppes pour l’immobilier de la gendarmerie, tout en alertant sur l’état préoccupant du matériel et de la flotte aérienne de la sécurité civile, mise à rude épreuve par les incendies estivaux.
Dans un contexte budgétaire contraint, les ministères régaliens restent, cette année encore, épargnés par les coupes. Les sénateurs ont approuvé ce 8 décembre le budget de la mission « sécurités » du projet de loi de finances 2026, actant une hausse annuelle de 371 millions d’euros, soit 2,1 %. La droite sénatoriale, par la voix de Marie-Do Aeschlimann, y voit « un signal positif » qu’il ne faudrait pas sous-estimer, tant les arbitrages financiers pèsent désormais lourd sur les politiques publiques.
L’année 2026 marque également la quatrième étape de mise en œuvre de la Lopmi, la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur. Après une pause en 2025, les effectifs repartent à la hausse : un millier de postes supplémentaires pour la police nationale et 400 pour la gendarmerie. Pour autant, le rapporteur Bruno Belin, sénateur LR de la Vienne juge qu’un « rattrapage » sera indispensable dès 2027 pour atteindre l’objectif gouvernemental de 239 brigades nouvelles. Les besoins matériels, eux, seraient criants. Le sénateur rappelle que seuls 600 à 700 véhicules pourront être fournis en 2026, quand près de 3 000 seraient nécessaires pour répondre aux exigences opérationnelles. À cela s’ajoute un parc d’hélicoptères vieillissant, certains appareils approchant les quarante ans, une situation qualifiée de « préoccupante » par Marc Laménie, membre du Groupe Les Indépendants – République et territoires.
Face aux critiques portant sur un déséquilibre entre police et gendarmerie, Laurent Nuñez récuse toute « distorsion ». Le ministre de l’Intérieur souligne que la gendarmerie est plus avancée que la police dans la réalisation des objectifs pluriannuels. Il met surtout en avant la montée en puissance des investissements immobiliers : 350 millions d’euros prévus en 2026 contre 295 l’année précédente, après un niveau encore dérisoire en 2024. En toile de fond, le rapport sénatorial de juillet 2024 avait dressé un constat sévère du « désordre bâtimentaire » des casernes, qui serait le fruit d’années de renoncements successifs.
La Haute assemblée a d’ailleurs renforcé ce volet immobilier en séance. Deux amendements centristes et socialistes ajoutent 20 millions d’euros supplémentaires pour faire face à la dégradation rapide des locaux. Le gouvernement, opposé à cette ponction sur le programme « sécurité et éducation routières », n’a pas levé le gage. Une autre enveloppe, de 10 millions d’euros, a été votée pour relever les plafonds des loyers versés par l’État aux gendarmeries, jugés aujourd’hui insuffisants pour couvrir les charges d’entretien. Une manière, selon le rapporteur général du budget du Sénat, Jean-François Husson, membre du groupe UMP/REP, de « bousculer un dispositif » devenu caduc.
Sur le versant policier, les groupes de gauche ont tenté d’obtenir des moyens renforcés pour la police du quotidien, qualifiée de « grande oubliée » par Ian Brossat. Les socialistes ont aussi alerté sur l’insuffisance des effectifs de la police judiciaire, estimant qu’il manquerait 2 500 enquêteurs pour résorber les stocks de procédures. Un amendement socialiste pour accroître les moyens de formation sur les violences sexuelles a été adopté, tout comme celui de la centriste Olivia Richard pour soutenir Pharos, la plateforme de lutte contre les violences en ligne.
Reste le dossier brûlant de la sécurité civile, au cœur des inquiétudes après un été marqué par des incendies spectaculaires. Les sénateurs dénoncent un parc aérien vieillissant, des Canadair atteignant en moyenne 30 ans d’âge et un calendrier de renouvellement qui patine. Sébastien Pla, sénateur PS de l’Aude, a rappelé la tension extrême sur les moyens : lors des mégafeux dans les Corbières, tous les appareils disponibles avaient été mobilisés, avant d’être transférés au plus vite vers Marseille, laissant son département « à poil ». Le ministre a confirmé qu’une réflexion stratégique était engagée, avec un investissement global de 450 millions d’euros sur 2022-2029 pour moderniser les hélicoptères, dont 100 millions dès 2026. Le texte prévoit aussi 200 millions d’euros pour commander deux Canadair supplémentaires.
Laurent Nuñez a enfin indiqué que les conclusions du « Beauvau de la sécurité civile », achevé cet été, donneraient lieu à un texte législatif, sans éluder les questions de financement.
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