Alors que la mort de Charlie Kirk a laissé un vide au sein du mouvement conservateur américain, Ben Shapiro apparaît comme un successeur naturel. Journaliste, avocat et fondateur de The Daily Wire, il incarne une droite structurée, sioniste et assumée, mais aussi plus clivante que son prédécesseur.
La disparition brutale de Charlie Kirk a bouleversé la droite conservatrice américaine. Fondateur de Turning Point USA, figure charismatique et fervent défenseur de la famille chrétienne, Kirk avait su capter la jeunesse républicaine. Son assassinat a ouvert une période d’incertitude : qui sera désormais le porte-voix de ce mouvement en quête de cohérence idéologique ?
Beaucoup d’observateurs se tournent vers Ben Shapiro. Né en 1984 à Los Angeles, ce diplômé de l’UCLA et de la Harvard Law School est l’une des figures les plus médiatisées du conservatisme américain. Avocat, journaliste et animateur de radio, il s’est fait connaître pour ses débats sur les campus, souvent houleux, où il défend des positions conservatrices sans concession. Affilié à la Young America’s Foundation, il revendique depuis longtemps une mission : contrer la domination progressiste dans le monde universitaire et culturel.
Fondateur de The Daily Wire en 2015, Shapiro a bâti un empire médiatique qui touche quotidiennement des millions d’Américains via ses émissions et podcasts. Sa notoriété dépasse largement le cercle militant : il est autant invité dans les cercles conservateurs que dénoncé par ses opposants progressistes, ce qui nourrit son aura d’intellectuel redoutable.
Ses positions idéologiques le distinguent toutefois de Charlie Kirk. Bien qu’étroitement lié à la droite évangéliste américaine historiquement majoritairement sioniste, Kirk avait amorcé dans ses derniers mois un discours critique vis-à-vis de certains lobby juifs américains, comme l’a fait également Candace Owens. Il avait également ancré son discours dans une vision chrétienne et nationaliste, là où Shapiro assume un conservatisme teinté de néoconservatisme et un soutien indéfectible à Israël. Juif orthodoxe, arborant la kippa lors de ses interventions, il est un sioniste convaincu et se montre particulièrement hostile à l’Iran et aux mouvements palestiniens. Ses prises de position en diplomatie, jugées dures, s’opposent à toute nuance : il défend la colonisation israélienne et a déjà publié des déclarations qualifiées d’arabophobes et d’islamophobes.
Politiquement, Shapiro a longtemps incarné une droite critique à l’égard de Donald Trump. Lors des primaires de 2016, il soutenait Ted Cruz et dénonçait Trump comme un « démocrate centriste déguisé ». S’il a ensuite appuyé plusieurs politiques de l’administration républicaine, il a maintenu ses critiques, notamment lors de la contestation des résultats de l’élection de 2020. Il se positionne ainsi comme une figure autonome, parfois à contre-courant, mais capable de fédérer au nom de la rigueur intellectuelle et de la cohérence idéologique.
Ben Shapiro a aussi fait de la bataille culturelle son terrain privilégié : rejet de la justice sociale, critique des passeports sanitaires pendant la pandémie, défense acharnée de la liberté d’expression. Ces thèmes, martelés avec son ton incisif, séduisent une jeunesse conservatrice en quête de repères face à ce qu’elle perçoit comme l’hégémonie du « politiquement correct ».
Reste à savoir si Shapiro pourra combler le vide laissé par Charlie Kirk. Son profil, plus polémique et moins rassembleur dans les milieux évangéliques, pourrait freiner son ascension comme figure consensuelle du mouvement. Mais il dispose d’atouts uniques : une base médiatique puissante, une réputation internationale et un positionnement idéologique clair. Dans un conservatisme américain fragmenté, il apparaît aujourd’hui comme l’un des mieux placés pour transformer le choc de la perte de Kirk en opportunité de redéfinition stratégique.
Shapiro ne s’est pas contenté d’exprimer sa tristesse face à la mort de Charlie Kirk : il a multiplié les hommages, insistant sur l’importance de prolonger l’œuvre de mobilisation culturelle et politique engagée par son ami. Pour nombre d’observateurs, ces gestes traduisent une volonté implicite de se positionner comme relais de la dynamique impulsée par Turning Point USA.
Sources :
Hindustan Times – « Ben Shapiro faces backlash for picking up Charlie Kirk’s blood-stained mic remark » – septembre 2025
The Daily Wire – interventions de Ben Shapiro – 2023-2025
New York Times – dossiers sur l’influence des leaders conservateurs aux États-Unis