Vendredi 5 décembre, plus de 50 000 jeunes Allemands ont fait grève et défilé dans près de 90 villes pour dénoncer le projet de service militaire « volontaire » et la politique de réarmement accéléré du pays. Une protestation d’une ampleur inédite depuis des décennies, portée par une jeunesse déterminée à s’opposer à la militarisation croissante.
« Pas de conscription ! », « Vous n’aurez pas nos vies », « Armée hors de nos écoles ». En Allemagne, les rues ont résonné ce 5 décembre d’une colère juvénile rarement vue depuis les grandes mobilisations pacifistes du tournant des années 1980. Près de 50 000 jeunes, selon les organisateurs, ont quitté cours et amphithéâtres pour une grève nationale contre le projet de service militaire « volontaire » présenté par le gouvernement fédéral.
À l’origine de la mobilisation, un projet de loi débattu le même jour au Parlement. Le texte prévoit d’imposer examens médicaux et questionnaires obligatoires à tous les hommes de 18 ans, première étape d’un recensement visant à identifier de futurs appelés. Officiellement, le service se veut consenti et rémunéré, mais de nombreux manifestants craignent que les autorités ne le rendent obligatoire, faute de recrues suffisantes. La perspective d’une conscription générale, envisagée publiquement par certains responsables politiques, alimente l’inquiétude d’une jeunesse déjà confrontée à des tensions géopolitiques inédites depuis la fin de la Guerre froide.
Dans les rues de Berlin, Cologne, Hambourg ou Stuttgart, la critique dépasse le seul service militaire. Beaucoup dénoncent une militarisation accélérée du pays. Depuis trois ans, les budgets de la Bundeswehr ont bondi, les commandes d’armement se sont multipliées et le gouvernement revendique désormais l’ambition de construire « l’armée la plus puissante d’Europe ». Une stratégie qui s’inscrit dans le virage stratégique entamé après l’invasion russe de l’Ukraine en 2022, mais que la jeunesse perçoit comme un basculement inquiétant, à rebours des orientations pacifistes historiquement dominantes dans la société allemande.
À Berlin, plusieurs milliers de personnes ont marché jusqu’aux abords du Bundestag, brandissant des banderoles où l’on pouvait lire « Guerre à la guerre » ou « Nous sommes jeunes, nous sommes bruyants, parce que vous nous volez nos vies ». Des slogans qui disent autant l’inquiétude que la détermination d’une génération refusant d’être associée à une logique d’embrigadement. À Münster ou Bochum, des lycéens expliquaient redouter qu’on leur impose un choix présenté comme volontaire, mais qui pourrait être contraint par la force des événements. À Cologne, d’autres rappelaient que l’Allemagne avait suspendu la conscription en 2011, et que son retour, même sous une forme hybride, marquerait une rupture profonde avec le consensus forgé au lendemain de la réunification.
La mobilisation s’est voulue résolument politique, mais aussi teintée d’un ton plus frontal, presque insolent, comme dans certaines actions étudiantes où retentissaient des chants pacifistes réactualisés. Une manière d’incarner une contestation qui dépasse le cadre partisan. Les initiateurs du mouvement affirment vouloir alerter sur « un engrenage belliqueux » auquel la jeunesse dit refuser de participer. Pour eux, l’Allemagne s’engage dans une course au réarmement dont l’issue ne peut être que l’escalade. Le fait que le gouvernement envisage déjà d’atteindre 270 000 soldats prêts au combat d’ici 2035 n’a fait que renforcer l’inquiétude.
Pour de nombreux observateurs allemands, ce 5 décembre marque un point de bascule. En redonnant une visibilité nationale au mouvement pacifiste, la jeunesse réactive un questionnement historique sur la place de l’armée dans la société. Une interrogation que la classe politique devra désormais affronter, alors que se profile le lancement du service militaire dès le 1er janvier 2026. Reste à savoir si cette génération, bruyante et décidée, saura peser sur un débat qui redéfinit en profondeur le rôle de l’Allemagne dans une Europe sous tension.
Sources :
- Contre Attaque, article « Allemagne : 50.000 jeunes manifestent contre le service militaire “volontaire” et le réarmement » (08/12/2025), qui reprend quasiment la formulation que tu cites et parle d’au moins 50 000 jeunes en grève dans plus de 90 villes.
- Altermidi, article « UE. Large mobilisation étudiante contre le retour de la conscription en Allemagne » (06/12/2025), qui décrit une « grève scolaire nationale » le 5 décembre dans de nombreuses villes et insiste sur l’opposition à la militarisation et au retour de la conscription.
- Le Monde, article « L’Allemagne instaure un service militaire volontaire » (05/12/2025), qui mentionne l’examen au Bundestag le 5 décembre et les « grèves scolaires » organisées ce jour‑là contre ce projet, sur le modèle des Fridays for Future.
- RFI, sujet « Allemagne : le Parlement adopte le projet de loi controversé sur le retour à la conscription » (06/12/2025), qui indique que des milliers de jeunes ont manifesté le 5 décembre contre la conscription et le caractère supposément “volontaire” du service.
- Le Figaro, article « En Allemagne, avec la réforme du service militaire, la Bundeswehr poursuit sa mue » (07/12/2025), qui revient sur le vote du 5 décembre et la « grève scolaire contre le service militaire » dans des dizaines de villes.