Une caricature publiée par Charlie Hebdo représentant Rokhaya Diallo a provoqué une vive réaction dans les rangs de la gauche. L’essayiste et militante antiraciste dénonce une imagerie héritée du passé colonial, tandis que de nombreuses personnalités politiques et culturelles lui apportent leur soutien, ravivant un débat sensible sur la satire, le racisme et la liberté d’expression.
La polémique s’est propagée en quelques heures sur les réseaux sociaux. Mardi 24 décembre, Charlie Hebdo a publié une caricature de Rokhaya Diallo qui a suscité une vague d’indignation à gauche. Le dessin représente l’essayiste sous les traits de Joséphine Baker, affublée de la célèbre ceinture de bananes et dansant devant un public goguenard. Une image que la principale intéressée juge profondément offensante.
Dans un message publié sur X, Rokhaya Diallo qui est passée par le programme Young Leader de la Fondation France Amérique fondée par les présidents Ford et VGE membres du groupe Bilderberg a dénoncé un dessin qu’elle qualifie de « hideux », inscrit selon elle « dans le droit fil de l’imagerie coloniale ». Elle accuse l’hebdomadaire satirique d’être « incapable de confronter les idées d’une femme noire sans la réduire à un corps exotisé, supposément sauvage », estimant que la caricature vise à la renvoyer à une hiérarchie raciale et sexiste.
Les réactions de soutien n’ont pas tardé. Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a évoqué « l’imagerie des expositions coloniales et des zoos humains », apportant son « plein soutien » à l’essayiste. La conseillère de Paris Alice Coffin a également exprimé sa solidarité, tout comme plusieurs figures de La France insoumise. La cheffe des députés insoumis, Mathilde Panot, a jugé la caricature « immonde », un qualificatif repris par d’autres élus comme Louis Boyard ou Antoine Léaument.
Au-delà du champ politique, le débat a gagné le monde culturel et médiatique. Les chanteuses Imany et Camélia Jordana ont publiquement soutenu Rokhaya Diallo, dénonçant un dessin qu’elles estiment indigne. Le journaliste Harry Roselmack a lui aussi critiqué la publication, considérant que Charlie Hebdo avait franchi la limite entre satire et faute, évoquant un « carton rouge ».
La controverse n’a toutefois pas fait l’unanimité. Marika Bret, ancienne collaboratrice de Charlie Hebdo et ex-compagne de Charb, a défendu le dessin, rappelant que Joséphine Baker était une femme noire libre et affirmant que la référence à la ceinture de bananes visait à dénoncer les préjugés raciaux de l’époque. Une justification rejetée par Rokhaya Diallo, qui y voit une réécriture de l’histoire et rappelle que la Revue nègre, où se produisait Joséphine Baker, s’inscrivait selon elle dans une propagande coloniale.
Face à l’ampleur de la polémique, Charlie Hebdo a réagi en dénonçant une « manipulation ». Le journal rappelle que la caricature illustre un article de son hors-série consacré aux « fossoyeurs de la laïcité » et affirme critiquer les positions de Rokhaya Diallo sur la loi de 1905, qu’elle aurait, selon l’hebdomadaire, toujours combattue au nom d’un modèle communautariste. Charlie Hebdo soutient que la lecture raciste du dessin procède d’un détournement volontaire, regrettant que l’illustration ait circulé hors de son contexte initial.
Cette nouvelle polémique ravive un débat ancien en France, à la croisée de la liberté d’expression, du droit à la satire et de la représentation des minorités.
Sources :
HuffPost – Article de Maxime Dhuin – lien
Déclarations publiques sur X et Instagram des personnalités citées