Tué dans l’explosion de sa voiture à Moscou, le lieutenant-général Fanil Sarvarov était l’un des officiers les plus hauts gradés de l’état-major russe depuis le début de la guerre en Ukraine. Cette attaque non revendiquée, attribuée par Moscou à une possible implication des services ukrainiens, intervient dans un contexte diplomatique sensible et illustre l’intensification de la guerre clandestine entre Kiev et la Russie.
L’onde de choc est autant politique que symbolique. Lundi 22 décembre, le lieutenant-général Fanil Sarvarov a été mortellement blessé dans l’explosion de sa voiture dans le sud de Moscou. Âgé de 56 ans, cet officier supérieur de l’état-major général des forces armées russes a succombé à ses blessures à l’hôpital, victime de multiples fractures et de plaies causées par les éclats, selon le Comité d’enquête russe. L’attaque n’a pas été revendiquée, mais les enquêteurs russes évoquent une piste liée aux services spéciaux ukrainiens.
Fanil Sarvarov occupait depuis 2016 un poste clé au sein de l’appareil militaire russe. Placé sous l’autorité directe du ministre de la défense Andreï Belooussov, il dirigeait le département de la formation opérationnelle de l’état-major général. À ce titre, il était chargé de coordonner les plans d’entraînement des forces armées et de planifier, à court et moyen terme, la préparation opérationnelle des unités, un rouage essentiel dans la conduite de la guerre.
Né le 11 mars 1969 à Gremiatchinsk, dans l’oblast de Perm, Fanil Sarvarov avait effectué l’ensemble de sa carrière dans l’armée russe. Diplômé de l’École supérieure de commandement blindé de Kazan en 1990, il avait gravi les échelons au fil des décennies. Il avait notamment pris part à la guerre en Tchétchénie dans les années 1990, avant d’être engagé en Syrie en 2015 et 2016, où il avait mené des missions d’organisation et de conduite d’opérations. À son retour en Russie, il avait été nommé à la tête de la Direction de l’entraînement des forces armées. Son parcours lui avait valu plusieurs décorations, dont l’Ordre du courage et l’Ordre du Mérite pour la patrie. En mai dernier, il avait été promu lieutenant-général par décret présidentiel.
Selon le média d’investigation russe Proekt, Fanil Sarvarov figure parmi les officiers les plus haut gradés à avoir été assassinés en territoire russe depuis février 2022. Une enquête pour « meurtre » et « trafic d’explosifs » a été ouverte. D’après l’agence Ria Novosti, le général apparaissait également dans la base de données du site ukrainien Mirotvorets, qui recense depuis 2014 les « ennemis de l’Ukraine ». Sa fiche y a été mise à jour le jour même de l’attentat avec la mention « liquidé », alimentant les soupçons d’une opération ciblée.
Cet assassinat s’inscrit dans une série d’attaques contre des responsables militaires russes. En décembre 2024, l’Ukraine avait revendiqué la mort du général Igor Kirilov, chef des forces de défense chimique, tué par l’explosion d’une trottinette piégée à Moscou. En avril 2025, un autre haut responsable de l’état-major, Iaroslav Moskalik, avait péri dans l’explosion d’un véhicule piégé près de la capitale. Autant d’opérations qui témoignent, selon plusieurs analystes, de la montée en puissance des capacités de renseignement et d’action clandestine ukrainiennes au cœur même de la Russie.
Sur le plan militaire, l’impact direct de la mort de Fanil Sarvarov reste limité. Ce type de cadre est rapidement remplacé et son élimination n’affecte pas immédiatement la conduite des opérations sur le front. En revanche, l’effet psychologique et politique est majeur. Ces attaques exposent les failles de la sécurité intérieure russe et nourrissent un climat de tension et de suspicion au sein de l’appareil militaire et sécuritaire. Depuis lundi, les rues de Moscou serait d’ailleurs le théâtre d’importants problèmes de circulation.
Reste à savoir si cet attentat pèsera sur les discussions diplomatiques en cours alors que le Kremlin va devoir se prononcé sur le plan américain. Il intervient en effet alors que des échanges ont eu lieu le week-end précédent en Floride entre émissaires ukrainiens et américains autour d’un plan de paix. Si aucune avancée décisive n’a été annoncée, le négociateur en chef ukrainien, Roustem Oumerov, a évoqué sur X des réunions « productives et constructives ».
Dans ce contexte, l’assassinat de Fanil Sarvarov rappelle que, parallèlement aux tractations diplomatiques, la guerre de l’ombre continue de se jouer loin des lignes de front.
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