Le Forum économique mondial (WEF) plaide depuis plusieurs années pour une refonte globale des systèmes alimentaires. À travers rapports et analyses, l’organisation promeut des régimes plus sains, une agriculture durable et un réalignement des incitations publiques, privées et des comportements de consommation, afin de répondre aux défis climatiques, sanitaires et sociaux. La réduction de la consommation de viande est au coeur de l’agenda 2030. En 2019, le WEF annonçait par exemple que seule 40% de la consommation mondiale serait issue de la viande conventionnelle en 2040.
Le World Economic Forum (WEF) a placé la transformation des systèmes alimentaires au cœur de ses travaux récents. Dans plusieurs rapports, dont « Inciter à la transformation des systèmes alimentaires » publié le 17 janvier 2020 en collobartion avec de McKinsey & Company, sponsor stratégique de Davos, l’organisation basée à Genève estime que l’alimentation mondiale ne peut plus fonctionner selon les modèles actuels si les Nations unies veulent atteindre leurs objectifs de développement durable. Le constat est clair : les systèmes alimentaires doivent devenir à la fois plus efficaces, plus inclusifs, plus durables et plus favorables à la santé humaine.
Ce rapport appellait à transformer en profondeur les systèmes alimentaires mondiaux en réorganisant les incitations économiques et politiques. Il encourageait les gouvernements à adapter leurs cadres réglementaires afin de favoriser la production et la consommation d’aliments bénéfiques pour la santé et pour l’environnement. Ce document avait d’ailleurs été republiée par la Netherlands Food Partnership (NFP), une initiative néerlandaise de coopération public-privé dédiée à la transformation durable des systèmes alimentaires, principalement dans une perspective internationale. Cette plateforme réuni le gouvernement des Pays-Bas qui était alors dirigé par le contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Mark Rutte, des entreprises, des ONG, des instituts de recherche et des organisations internationales afin de lutter contre l’insécurité alimentaire, la malnutrition et les effets du changement climatique sur l’agriculture.
Dans « Inciter à la transformation des systèmes alimentaires » le WEF appelait également à des exigences accrues de la part des investisseurs institutionnels et à l’innovation des modèles économiques intégrant des objectifs environnementaux et sociaux.
Les comportements de consommation constituent un autre levier clé. Le WEF soulignait que les choix individuels influencent l’ensemble du système alimentaire et plaide pour des écosystèmes qui rendent les options saines, durables et nutritives accessibles, abordables et désirables.
La transition alimentaire : Un défi aussi important que la transition écologique
En juin 2024, le WEF a publié un article de fond intitulé « Nourrir l’avenir : pourquoi la rénovation et la réinvention sont essentielles pour sauver notre système alimentaire« . Ce texte compare explicitement la transition alimentaire à la transition énergétique par son ampleur et son urgence. L’auteure, Juliana Glezer, contributrice de l’agenda 2030 y alerte sur le fait que « de nombreuses façons dont nous cultivons, transformons et consommons la nourriture provoquent une double crise pour la santé humaine et celle de la planète ». Selon les projections citées, la demande alimentaire mondiale pourrait augmenter de 60 % d’ici 2050 si les tendances actuelles se poursuivent.
Pour répondre à cette trajectoire jugée insoutenable, le WEF distingue deux axes complémentaires. Le premier est la rénovation du système alimentaire, qui repose sur des améliorations progressives et rapides tout au long de la chaîne de valeur. Cela inclut, par exemple, l’amélioration des recettes et des procédés industriels pour réduire le sel, le sucre ou les graisses, améliorer la qualité nutritionnelle des produits et adapter les emballages afin de limiter l’impact environnemental.
Le second axe, plus ambitieux, est celui de la réinvention. Il s’agit ici de changements systémiques profonds, qualifiés par le WEF de « refonte radicale » des modes de production, de distribution et de consommation. L’objectif est de repenser les structures fondamentales de l’industrie alimentaire moderne afin de la rendre soutenable, équitable et résiliente sur le long terme, sans pour autant appeler à la destruction du système existant. Cette réinvention passe notamment par l’innovation. Les technologies numériques et l’intelligence artificielle sont également évoquées comme des outils permettant de personnaliser la nutrition, réduire le gaspillage et améliorer l’efficacité des chaînes d’approvisionnement.
La réduction de la consommation de viande au coeur de l’agenda 2030
La question de la viande occupe une place centrale dans ces réflexions. Les publications du WEF, notamment « Inciter à la transformation des systèmes alimentaires » ou « Meat: The Future« , rappellent que l’élevage représente environ 14,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et constitue un facteur majeur de déforestation.
L’organisation ne prône pas une interdiction de la viande, mais appelle à des régimes plus riches en végétaux, avec une consommation modérée de viande, en particulier en privilégiant la viande blanche plutôt que la viande rouge. Cette approche est présentée comme un compromis pragmatique entre santé humaine, environnement et objectifs climatiques.
Le WEF met aussi en avant le développement de protéines alternatives, telles que les substituts végétaux, la fermentation de précision ou la viande cultivée en laboratoire. Ces solutions sont présentées comme un complément ou une alternative partielle aux protéines animales classiques, afin de répondre à la demande croissante en protéines sans aggraver l’empreinte carbone. Le Forum cite des initiatives de ses multinationales comme Unilever qui a lancé une crème glacée sans lait de vache, ou Nestlé qui a créé un complément protéique « sans animaux », mais également le foisonnement de start-ups dans ce domaine.
Dans un article publié au mois de juin 2019 intitulé « D’ici 20 ans, vous consommerez des substituts de viande. Voici pourquoi », le WEF soulignait que leur production est bien plus efficace que celle de la viande conventionnelle. Alors que la conversion des céréales en viande animale ne dépasse pas 15 à 23 %, les substituts végétaux et la viande cultivée atteigneraient des rendements proches de 70 à 75 %, tout en consommant moins d’eau et de ressources. Ensuite, les marges de progrès de l’élevage traditionnel seraient quasiment épuisées, en raison de la raréfaction des terres agricoles, de la pression sur les ressources en eau, de la dégradation des sols et des enjeux sanitaires liés aux antibiotiques et aux maladies animales.
Les viandes alternatives présenteraient également moins de risques sanitaires, se conservant plus longtemps, nécessitant moins de réfrigération et n’étant pas exposées aux bactéries ou aux épidémies touchant le bétail. Elles offrent en outre la possibilité d’ajuster précisément leur composition nutritionnelle.
Dans cet article publié en 2019, le Forum économique mondial estimait qu’environ un tiers de l’offre mondiale de viande pourrait provenir de ces nouvelles technologies à l’horizon 2030, et que seule 40 % de la consommation mondiale serait issue de la viande conventionnelle en 2040. Il préconisait à long terme de supplanter les substituts végétaux, par de la viande cultivée, car elle serait plus acceptable pour les consommateurs attachés au goût de la viande mais sensibles aux enjeux environnementaux et éthiques.
Selon les analyses relayées par le WEF, une réduction de la consommation de viande rouge pourrait en effet contribuer à éviter des millions de décès prématurés par an, tout en diminuant significativement les émissions de gaz à effet de serre.
Le Forum économique mondial insiste sur le fait que ses propositions s’inscrivent dans un cadre multilatéral. Ses travaux s’alignent avec ceux d’organisations internationales comme l’ONU ou la FAO dirigés par les contributeurs de l’agenda 2030 du FEM, António Guterres et Qu Dongyu. Il souligne que lors du Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires de 2021, la « transformation des systèmes agroalimentaires » était déjà au cœur des discussions, ce qui illustre, selon lui, un consensus international croissant sur la nécessité d’un changement profond.
Ainsi, le WEF prône une réforme audacieuse des systèmes alimentaires passant notamment par la réduction de la consommation de viande, fondée sur l’innovation, l’investissement et la coordination entre secteurs public et privé. Une refonte présentée comme indispensable pour répondre aux défis du XXIᵉ siècle. Selon lui, cette transformation globale doit passer par plusieurs « transitions critiques ».
Sources :
- Rapport « Incentivizing Food Systems Transformation », World Economic Forum, 2020
- Livre blanc « Meat: The Future – A Roadmap for Delivering 21st-Century Protein », World Economic Forum
- Articles du WEF sur les « replacement meats » et les protéines alternatives, par exemple « You will be eating replacement meats within 20 years. Here’s why ».