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Photo : @Wilfried Wende.

Paiements en liquide : la Slovénie sanctuarise l’espèce dans sa Constitution, la France s’interroge

En consacrant le droit d’utiliser des espèces dans sa Constitution, la Slovénie devient le troisième pays de l’Union européenne à protéger juridiquement le paiement en liquide. Un mouvement qui gagne du terrain alors que plusieurs voix françaises plaident pour une garantie similaire, face aux inquiétudes suscitées par la dématérialisation croissante de l’argent.

La Slovénie a fait un pas inédit dans le débat, désormais européen, sur l’avenir des paiements en liquide. Lundi, son parlement a approuvé un amendement constitutionnel garantissant à chaque citoyen la possibilité d’utiliser billets et pièces pour toute transaction légale. Les parlementaires slovènes ont voté massivement en faveur de cette réforme : soixante et un députés, soit plus des deux tiers de l’assemblée, ont avalisé cette mesure voulue par une large partie de la société civile.

L’impulsion initiale provient d’une ONG nationale, « Nous Sommes Connectés », qui avait recueilli plus de 56 000 signatures dès 2023 pour défendre l’argent liquide comme ultime rempart de la vie privée. L’organisation redoute qu’une transition rapide vers une monnaie numérique, doublée d’une éventuelle disparition des espèces, ne conduise à ce qu’elle appelle « la fin de la liberté », estimant que l’usage exclusif des technologies de paiement pourrait ouvrir la voie à un contrôle systématique des individus. Ce discours rencontre un écho croissant dans une partie de la population européenne, inquiète des dérives possibles d’un monde entièrement numérisé.

Le nouvel article constitutionnel affiche une formulation limpide : « Chacun a le droit, conformément à la loi, d’utiliser des espèces dans les transactions bancaires et autres formes de transactions légales. » Avant la Slovénie, la Hongrie et la Slovaquie avaient déjà gravé cette garantie dans leurs textes fondamentaux, témoignant d’une prise de conscience régionale autour du rôle social et démocratique de l’argent physique.

La Banque centrale européenne, qui suit attentivement cette tendance, a d’ailleurs salué à l’automne l’intention slovène de renforcer l’accès et l’acceptation des espèces. Dans un avis rendu en septembre, l’institution monétaire rappelait que la possibilité de payer en liquide demeure « particulièrement importante » pour les citoyens ne disposant pas d’un accès suffisant aux moyens électroniques ou choisissant, pour des raisons personnelles, de privilégier la discrétion du cash. Une enquête conduite la même année révèle que 62 % des habitants de la zone euro considèrent essentiel de pouvoir continuer à régler leurs achats en billets et en pièces, un chiffre en légère hausse par rapport à 2022.

Cette réaffirmation du rôle de l’espèce n’échappe pas au débat français. Dans l’Hexagone, l’usage du cash est encadré par le Code monétaire et financier — et par le Code pénal lorsqu’un commerçant refuse illégalement un paiement en espèces —, mais aucun droit constitutionnel n’existe aujourd’hui. C’est précisément ce que souhaite corriger une proposition de loi déposée le 31 octobre 2025, issue de plusieurs groupes parlementaires. Le texte vise à inscrire dans la Constitution le « droit d’accéder à des moyens de paiement en espèces sur l’ensemble du territoire hexagonal et ultramarin ».

Ses auteurs soulignent que certains responsables politiques, comme Gérald Darmanin lorsqu’il occupait les fonctions de ministre de la justice, n’ont pas exclu, par le passé, la possibilité d’une réduction drastique de l’usage de l’argent liquide au nom d’une lutte renforcée contre la fraude. Une perspective jugée excessive par les défenseurs du projet, qui rappellent que la sauvegarde d’une monnaie tangible, garantie par l’État et indépendante des infrastructures numériques, constitue selon eux une liberté fondamentale. Le texte français n’a cependant pas encore dépassé le stade de la commission des lois et n’a pas été examiné en séance publique, signe que le débat ne fait que commencer.

Sources :

BFM Business – Article du 01/12/2025 – lien

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