La Haute Cour de Londres a jugé la société minière BHP membre du Forum économique mondial responsable du désastre de Brumadinho, survenu en 2019 au Brésil. Cette décision historique ouvre la voie à des indemnisations colossales pour plus de 600 000 victimes et consacre une nouvelle jurisprudence en matière de responsabilité internationale des multinationales pour des dommages causés à l’étranger.
C’est une décision qui pourrait bouleverser durablement le paysage juridique mondial. La Haute Cour de Londres a reconnu la responsabilité du géant minier BHP Group dans la rupture du barrage de Brumadinho, survenue en janvier 2019 dans l’État brésilien du Minas Gerais. La catastrophe, l’une des pires de l’histoire minière, avait entraîné la mort de 272 personnes et ravagé des dizaines de villages, d’exploitations agricoles et d’écosystèmes fluviaux.
Dans son jugement, le magistrat britannique estime que BHP, coactionnaire de la société Samarco aux côtés du groupe brésilien Vale, exerçait un contrôle suffisant sur les opérations pour être tenue directement impliquée. Le tribunal retient notamment que la multinationale avait connaissance des risques structurels du barrage et qu’elle n’a pas agi malgré plusieurs signaux d’alerte techniques. Un constat sévère qui balaie la défense traditionnelle des groupes extractifs, souvent fondée sur l’autonomie de leurs filiales.
En reconnaissant la responsabilité civile de BHP au Royaume-Uni, la justice britannique ouvre la voie à l’une des plus vastes actions indemnitaires transnationales jamais engagées. Près de 620 000 plaignants — habitants, agriculteurs, entreprises locales, municipalités et communautés autochtones — pourraient obtenir réparation devant les tribunaux londoniens. Les montants réclamés s’élèvent jusqu’à 36 milliards de livres, soit environ 41 milliards d’euros. Le chiffre final dépendra du nombre de victimes reconnues et des futures étapes de la procédure, mais il dépasse largement les compensations déjà obtenues au Brésil.
Car si un accord national avait été conclu l’an dernier, pour un montant de 170 milliards de reais (environ 28 milliards d’euros), il est jugé incomplet par la majorité des plaignants. Beaucoup affirment que les versements tardent, que certaines victimes restent exclues et que les réparations environnementales sont insuffisantes. La perspective d’un procès en Angleterre constitue pour eux une seconde chance d’obtenir justice, à la fois plus rapide et potentiellement plus équitable.
Un second volet judiciaire est d’ailleurs déjà programmé. Un procès dédié exclusivement à la fixation des dommages et intérêts doit s’ouvrir en octobre 2026, après l’examen définitif de la responsabilité de BHP. Les enjeux financiers et politiques sont immenses : il s’agit non seulement de compenser des pertes humaines irréparables et des destructions environnementales massives, mais aussi de déterminer dans quelle mesure une société mère peut être tenue comptable des fautes de sa filiale, même lorsque celle-ci opère sous une autre juridiction.
C’est sur ce dernier point que la décision londonienne prend une dimension mondiale. En reconnaissant que la responsabilité d’une multinationale peut être engagée devant un tribunal étranger pour des faits commis à l’autre bout du monde, la justice britannique crée une jurisprudence majeure. Elle confirme que les mécanismes traditionnels d’immunité corporate ne suffisent plus à protéger les sociétés mères lorsqu’elles ont joué un rôle dans les décisions conduisant à une catastrophe.
Pour les ONG et juristes spécialisés, il s’agit d’un tournant. Ce jugement pourrait encourager d’autres victimes de désastres industriels, environnementaux ou humanitaires à se tourner vers des tribunaux internationaux lorsque leurs systèmes judiciaires nationaux sont jugés insuffisants ou trop lents. Une révolution silencieuse, mais profonde, dans la manière d’appréhender la responsabilité des acteurs économiques globaux.
Sources principales
Jugement officiel : Le texte intégral est disponible sur le site officiel de la justice britannique (judiciary.uk)
Médias internationaux ayant rapporté l’événement :
- Sky News (Royaume-Uni)
- Al Jazeera
- Reuters
- Financial Times
- ABC News (Australie)
- The Wall Street Journal
- France 24
Sources françaises :
Communiqué officiel de BHP : La société a immédiatement réagi en confirmant le jugement et son intention de faire appel (communiqué du 14 novembre 2024)
Cabinets d’avocats impliqués ayant publié des analyses :