Contre toute attente, la présidentielle camerounaise du 12 octobre a vu une mobilisation record des électeurs. Alors que Paul Biya brigue un huitième mandat après quarante-trois ans de règne, la forte affluence et la vigilance citoyenne font naître l’idée d’un “sursaut collectif” dans un pays longtemps résigné à l’immobilisme politique.
Au Cameroun, la journée du 12 octobre 2025 restera sans doute comme l’une des plus scrutées de l’histoire politique récente. Huit millions d’électeurs étaient appelés à voter pour choisir leur prochain président, parmi douze candidats, dont l’inamovible Paul Biya, âgé de 92 ans, au pouvoir depuis 1982. Alors que beaucoup imaginaient déjà le scrutin plié en faveur du chef de l’État sortant, la participation inattendue et massive observée dans plusieurs régions a redonné de la vigueur à un espoir longtemps étouffé.
Selon Le Djely, la journée électorale s’est globalement déroulée dans le calme, à l’exception de quelques échauffourées à Garoua entre le candidat Issa Tchiroma Bakary et les forces de l’ordre. Aucun chiffre officiel n’a encore été communiqué, mais les observateurs notent une affluence inhabituelle, notamment dans les grandes villes comme Douala et Yaoundé. Pour de nombreux citoyens, cette mobilisation traduit la volonté de tourner la page d’un régime devenu synonyme d’immobilisme, de centralisation autoritaire et de désillusion collective.
Le président Biya, qui n’a tenu qu’un seul meeting à Maroua en clôture de campagne, semble avoir perdu de sa capacité à galvaniser les foules. Dans les rangs de l’opposition, en revanche, un vent d’espoir souffle. “Il y a dans ce scrutin quelque chose de nouveau, une tension civique, une envie d’en finir avec la fatalité”, résume un observateur politique cité par Le Djely.
La vigilance citoyenne observée à la fermeture des bureaux de vote est sans précédent. Dans plusieurs localités, des électeurs sont revenus sur place pour assister au dépouillement, filmer les procès-verbaux et les partager sur les réseaux sociaux. Ce contrôle populaire, spontané et technologique, reflète une méfiance croissante envers Elections Cameroon (Elecam), l’autorité chargée du scrutin, souvent accusée d’être inféodée au pouvoir. Ces images circulant sur Internet pourraient devenir un outil inédit de transparence et de pression publique.
Face à cette mobilisation, le camp présidentiel affiche une nervosité palpable. Le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a rapidement averti que seule la Commission électorale était habilitée à publier les résultats, mettant en garde contre toute “publication illégale”. Une réaction interprétée par certains comme un signe d’inquiétude d’un régime conscient de la fragilité de son autorité symbolique.
Depuis plusieurs jours, la jeunesse camerounaise s’est illustrée par son engagement pacifique. Contrairement à d’autres pays africains où les frustrations s’expriment dans la rue, elle semble avoir choisi les urnes comme terrain d’expression. Dans les files d’attente, les conversations portaient sur la “nécessité de tourner la page”, mais aussi sur la crainte d’un résultat une nouvelle fois confisqué.
Quarante-trois années de pouvoir n’ont pas entamé la maîtrise politique de Paul Biya, mais cette élection pourrait marquer un tournant dans la conscience civique du pays. Comme le résume un électeur de Yaoundé cité par le site guinéen : “Même si rien ne change demain, nous aurons au moins montré que nous n’avons pas renoncé.”
Alors que le dépouillement se poursuit, les regards se tournent vers la Commission électorale et vers la rue, qui retient son souffle. Dans ce Cameroun souvent décrit comme figé, la présidentielle de 2025 révèle une certitude nouvelle : la foi de tout un peuple dans la possibilité du changement, même au cœur du statu quo.
Source :
Le Djely – Présidentielle au Cameroun : une forte participation pour un “sursaut collectif” ? – 13 octobre 2025