À 92 ans, Paul Biya brigue ce dimanche 12 octobre un huitième mandat à la tête du Cameroun. Face à une opposition éclatée et affaiblie, le chef d’État, au pouvoir depuis 1982, s’avance sans réel adversaire. Un scrutin que la presse internationale juge sans suspense, mais lourd d’enjeux pour l’avenir politique du pays.
Il aura fallu près d’un demi-siècle pour que la présidence de Paul Biya se confonde presque avec l’histoire contemporaine du Cameroun. À 92 ans, le doyen des chefs d’État en exercice dans le monde s’apprête à franchir un nouveau seuil : celui de la présidence à vie. Ce dimanche 12 octobre, les Camerounais sont appelés aux urnes pour désigner leur président. Mais pour beaucoup d’observateurs, l’issue du scrutin ne fait guère de doute.
« Le plus vieux président est de nouveau candidat : qui peut l’empêcher de gagner ? », titrait The Guardian dès l’été dernier, au lendemain de l’annonce de la candidature du « Sphinx de Yaoundé ». À 43 ans de règne, Paul Biya s’avance sans crainte, porté par un système politique verrouillé et une opposition morcelée.
Une opposition impuissante et muselée
Sur les 83 candidatures déposées, seules 13 ont été validées par la Commission électorale. Parmi les recalés figure Maurice Kamto, principal rival du président sortant et finaliste de l’élection de 2018, écarté pour des motifs jugés arbitraires. « Après avoir empêché Maurice Kamto de se présenter et divisé l’opposition, Biya s’assure une victoire incontestable », analyse le site Africa Is a Country.
Face à lui, onze candidats peinent à exister, incapables de se rallier derrière une figure commune. Deux anciens ministres, Issa Tchiroma Bakary et Bello Bouba Maïgari, tous deux issus du parti présidentiel, tenteront de ravir quelques bastions dans le Nord, région stratégique où Biya a tenu son premier meeting le 7 octobre à Maroua, sous la bannière du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC).
Mais dans un pays où l’État, les médias, les institutions et les ressources demeurent sous contrôle présidentiel, les chances d’alternance sont infimes. « Le système a été conçu pour servir les intérêts de Biya », souligne le politologue David E. Kiwuwa dans The Conversation, évoquant un « modèle de pouvoir personnel enraciné dans la Constitution et la pratique politique camerounaise ».
Un pays fracturé et sous tension
Derrière cette apparente stabilité institutionnelle se cache une nation fragilisée par les conflits internes. Depuis 2017, les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest vivent au rythme d’un conflit sanglant opposant forces gouvernementales et groupes séparatistes. Selon l’International Crisis Group, plus de 6 000 personnes ont été tuéeset des centaines de milliers déplacées.
Le Cameroun doit aussi composer avec la menace persistante de Boko Haram dans l’Extrême-Nord et un tissu économique fragilisé, où près d’un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté. Dans ce contexte, la longévité de Paul Biya incarne autant une continuité qu’une impasse. Le quotidien burkinabè Le Pays s’interroge déjà : « Quelle est la capacité du “Vieux” à continuer d’assumer ses fonctions ? »
Souvent absent du pays, le président passe de longs séjours à Genève, où la presse africaine raille son « pouvoir par délégation ». Le Djely, en Guinée, n’y voit qu’une « candidature du ridicule », ajoutant que « les Camerounais, qui le couvent d’une bienveillance quasi paternelle, semblent lui concéder le droit de mourir au pouvoir ».
Une dynastie en devenir ?
Symbole d’un pouvoir figé, la campagne a pourtant connu un rebondissement inattendu. Début septembre, Brenda Biya, fille du président et figure influente sur les réseaux sociaux, avait publiquement appelé à ne pas voter pour son père, avant de faire volte-face quelques semaines plus tard : « Mon père est un grand homme et un excellent candidat », a-t-elle fini par déclarer.
Cette dissonance familiale illustre à elle seule l’essoufflement d’un système que beaucoup jugent à bout de souffle. Mais pour l’heure, aucun mouvement structuré ne semble en mesure d’ouvrir une alternative crédible. Et dans les rues de Yaoundé ou de Douala, la résignation domine.
Comme le résume The Conversation, « le véritable enjeu du scrutin du 12 octobre n’est pas de savoir si Biya gagnera, mais ce qu’il adviendra du Cameroun après lui ».
Sources :
The Guardian – « The world’s oldest president is running again » – juillet 2025
The Conversation – David E. Kiwuwa, « Paul Biya, le président à vie du Cameroun ? » – octobre 2025
Africa Is a Country – « Cameroon’s election and the illusion of choice » – octobre 2025
Le Pays (Burkina Faso) – « Cameroun : la santé du chef de l’État en question » – octobre 2025
Le Djely (Guinée) – « Paul Biya : la candidature du ridicule » – octobre 2025