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Tensions dans la Corne de l’Afrique : l’Éthiopie accuse l’Érythrée de préparer une guerre par procuration

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Dans une lettre adressée au secrétaire général de l’ONU, Addis-Abeba accuse Asmara d’armer et de financer des milices éthiopiennes hostiles au gouvernement d’Abiy Ahmed. L’Érythrée, de son côté, dénonce une « mascarade mensongère ». Cette nouvelle escalade ravive le spectre d’un conflit ouvert entre deux voisins aux relations toujours instables depuis la guerre du Tigré.

Les tensions reprennent de plus belle entre l’Éthiopie et l’Érythrée, deux pays longtemps alliés avant de redevenir rivaux. Dans un courrier daté du 2 octobre 2025, adressé à António Guterres, secrétaire général des Nations unies, le ministre éthiopien des Affaires étrangères, Gedion Timothewos, accuse l’Érythrée de « rémunérer, mobiliser et diriger des groupes armés » opérant sur le territoire éthiopien, dont la milice Fano, active dans la région d’Amhara. Selon lui, ces manœuvres visent à « déstabiliser et fragmenter l’Éthiopie » et constitueraient une préparation à un conflit militaire d’envergure.

Le ministre évoque notamment une alliance clandestine baptisée « Tsimdo », qui réunirait des éléments érythréens, des membres du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) et des miliciens Fano. Cette coalition aurait, selon Addis-Abeba, participé à l’offensive récente contre les forces fédérales dans le nord du pays. L’Éthiopie accuse également le président érythréen Isaias Afwerki de violer l’accord de paix de Pretoria (2022), qui devait entériner la fin des hostilités dans le Tigré.

Dans sa missive, Gedion Timothewos reconnaît néanmoins la volonté d’Addis-Abeba de « négocier de bonne foi » avec son voisin, évoquant une vision de « prospérité partagée » pour les deux pays. Mais pour les observateurs, cette ouverture n’efface pas le message diplomatique clair : l’Éthiopie trace une ligne rouge face à l’ingérence érythréenne. Le site Horn Review parle d’un « acte de diplomatie calculé, destiné à alerter la communauté internationale avant qu’un affrontement direct ne devienne inévitable ».

L’Érythrée, par la voix de son ministère de l’Information, a rapidement réagi, dénonçant une « mascarade mensongère » et une « provocation injustifiée ». Les autorités d’Asmara affirment ne soutenir aucun groupe armé éthiopien et accusent au contraire le gouvernement d’Abiy Ahmed de « chercher un bouc émissaire pour ses échecs internes ».

De leur côté, les dirigeants du TPLF ont rejeté les accusations d’alliance avec Asmara. Le général Yohannes Woldegiorgis, dit « John Medid », a déclaré que le gouvernement éthiopien « fabrique des preuves » pour délégitimer les forces du Tigré. Son chef politique, Debretsion Gebremichael, a dénoncé des affirmations « totalement infondées ».

Ce regain de tension marque un tournant inquiétant dans une région déjà instable. Depuis la fin de la guerre du Tigré, en novembre 2022, les relations entre Addis-Abeba et Asmara se sont nettement dégradées. Les deux capitales se disputent notamment la question stratégique de l’accès éthiopien à la mer Rouge, un sujet qualifié d’« existentiel » par Abiy Ahmed. BBC News Africa rappelle que ce contentieux est désormais au cœur d’une rivalité géopolitique plus large, impliquant l’Égypte, alliée d’Asmara et opposée à l’Éthiopie sur la question du barrage de la Renaissance sur le Nil.

Selon le groupe de recherche Eritrea Focus, la rhétorique de plus en plus belliqueuse d’Addis-Abeba pourrait « précipiter une confrontation ouverte » si les canaux diplomatiques échouent. Al-Jazeera souligne pour sa part que l’Érythrée, isolée sur la scène africaine, cherche à renforcer ses alliances régionales, notamment avec Le Caire, au moment où Abiy Ahmed multiplie les initiatives pour asseoir son influence dans la Corne de l’Afrique.

Le courrier éthiopien à l’ONU illustre ainsi une nouvelle phase de crispation entre deux États aux relations faites d’alliances opportunistes et de rivalités anciennes. Dans cette région où chaque tension locale peut embraser un équilibre déjà fragile, la communauté internationale observe avec inquiétude une escalade qui pourrait, une fois encore, menacer la stabilité de toute la Corne de l’Afrique.

Sources :
Courrier international – « L’Éthiopie accuse l’Érythrée de préparer un conflit militaire » – 9 octobre 2025 – https://www.courrierinternational.com
Addis Standard – « Ethiopia accuses Eritrea of funding armed groups and violating peace accord » – 2 octobre 2025 – https://www.addisstandard.com
BBC News Africa – « Ethiopia-Eritrea tensions rise amid proxy war accusations » – 5 octobre 2025 – https://www.bbc.com/africa
Al-Jazeera – « Eritrea denies Ethiopia’s claims of supporting armed militias » – 6 octobre 2025 – https://www.aljazeera.com
Horn Review – « Ethiopia draws red line against Eritrean interference » – 3 octobre 2025 – https://www.hornreview.com

Dans une lettre datée du 2 octobre, le représentant permanent de l’Éthiopie auprès des Nations unies tire la sonnette d’alarme. Addis-Abeba affirme que son voisin érythréen mène « une série d’activités provocatrices et déstabilisatrices » le long de la frontière commune, accusant Asmara de vouloir « déclencher un nouveau conflit militaire dans la région ». Cette communication officielle, relayée par plusieurs médias internationaux, appelle l’ONU à intervenir pour prévenir une escalade qui pourrait avoir des conséquences régionales majeures.

L’Éthiopie évoque notamment un redéploiement de troupes érythréennes dans des zones sensibles, sans pour autant fournir de détails précis sur la localisation ou l’ampleur des mouvements constatés. Ces accusations surviennent dans un contexte où les deux pays, officiellement en paix depuis l’accord signé en 2018, n’ont jamais véritablement normalisé leurs relations. La frontière reste floue et les tensions, latentes.

une paix toujours fragile

L’accord de paix conclu entre le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, et le président érythréen Isaias Afwerki, avait suscité beaucoup d’espoir. Mais depuis, les gestes de réconciliation se sont faits rares, et les différends non résolus ont continué d’empoisonner les relations bilatérales. L’Érythrée, pays très fermé et gouverné d’une main de fer depuis l’indépendance en 1993, cultive une méfiance persistante envers son voisin éthiopien, accusé de soutenir des groupes hostiles à Asmara.

À cela s’ajoute le lourd héritage du conflit de 1998-2000, qui avait fait près de 80 000 morts et laissé les deux pays profondément marqués. La normalisation diplomatique n’a pas permis d’effacer les rancunes, ni de mettre en place des mécanismes de coopération durable. En 2020, l’Érythrée avait déjà été soupçonnée d’avoir pris part, aux côtés des forces éthiopiennes, à la guerre du Tigré, ce qui avait terni un peu plus l’image d’un rapprochement sincère entre les deux États.

les implications régionales

Cette nouvelle montée de tension entre l’Éthiopie et l’Érythrée pourrait avoir des répercussions au-delà de leurs seules frontières. La Corne de l’Afrique est une région instable, marquée par des conflits internes, des rivalités ethniques et une compétition d’influence entre puissances étrangères. Une reprise des hostilités entre Addis-Abeba et Asmara risquerait de déstabiliser davantage une zone stratégique, déjà fragilisée par l’instabilité au Soudan, les tensions au Somaliland et les défis sécuritaires en Somalie.

Pour l’instant, l’Érythrée n’a pas officiellement réagi à la lettre éthiopienne. Mais le silence d’Asmara n’est pas inhabituel : le régime érythréen communique rarement sur ses intentions militaires ou diplomatiques. Reste à savoir si la communauté internationale, et en premier lieu l’ONU, prendra ces mises en garde au sérieux et tentera d’ouvrir un espace de dialogue avant qu’il ne soit trop tard.

L’évolution de la situation mérite une attention soutenue, tant les conséquences potentielles d’un Éthiopie Érythrée conflit pourraient s’avérer lourdes, pour les deux peuples concernés comme pour l’ensemble de la région.

Source : https://www.courrierinternational.com/article/geopolitique-l-ethiopie-accuse-l-erythree-de-preparer-un-conflit-militaire_236061

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