« Francs-maçons résistants. Lyon. 1940-1944« , est le résultat d’un travail minutieux de Régis Le Mer, documentaliste au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation. Dans cet ouvrage publié en 2011, l’auteur se penche sur les biographies de 110 francs-maçons et franc-maçonnes de la région lyonnaise ayant joué un rôle crucial dans la résistance contre le régime de Vichy et les forces nazies. Le Mer explore leurs activités dans la clandestinité, mais aussi leurs vies profanes et maçonniques, créant ainsi un portrait multidimensionnel de ces héros souvent oubliés, même si tout n’est pas dit…
L’un des points forts de l’ouvrage est sa capacité à dépeindre la diversité et la complexité des réseaux de résistance auxquels appartenaient ces francs-maçons. Le Mer met en lumière les mouvements « Combat », « Franc-Tireur » et « Le Coq Enchaîné », tous caractérisés par une forte présence maçonnique. Ce dernier, particulièrement intéressant, était un journal et mouvement constitué principalement par des francs-maçons radicaux ou socialistes, favorables à un rapprochement avec le Parti Communiste Français. L’auteur décrit leur organisation en cellules de dix personnes, un système qui leur permettait de maintenir une structure secrète et résiliente face à l’oppression.
Les francs-maçons étaient également impliqués dans d’autres réseaux tels que « Alliance », « Brutus », et « Marco-Polo ». D’après Le Mer, les maçons résistants étaient issus de toutes les loges de la région. Seize d’entre eux étaient membres d’Union et Liberté, quatorze de l’Asile du Sage, douze, de Bienfaisance et Amitié, toutes relevant du Grand Orient de France. L’auteur évoque également leurs activités telles que la fabrication de faux papiers et le renseignement économique et militaire.
Portraits de résistants
Le Mer excelle dans la peinture des portraits individuels, offrant au lecteur une immersion dans la vie de ces résistants. Par exemple, les époux André et Alice Vansteenberghe sont dépeints non seulement comme des membres actifs de la résistance, mais aussi comme des figures emblématiques de la solidarité et du courage. André, membre de la Grande Loge de France (GLDF), et Alice, membre du Droit Humain (DH), qui sera appelée à témoigner au procès Barbie, étaient tous deux médecins et membres du « Comité maçonnique de la Résistance » Lyonnais, de « Franc-Tireur » et de l’« Armée Secrète ». André était responsable du service de renseignements de l’ »Armée Secrèrte », Alice, des services sanitaires du maquis de Tarare. Le récit de leurs actions, y compris une réunion clandestine organisée à leur domicile le 5 mai 1942, qui a réuni des figures tels qu’Henri Frénay, Jean-Pierre Lévy, ou Jean-Moulin. Le père de celui qui avait été chargé par le général de Gaulle d’unir les mouvements de Résitance de la France et de constituter l' »Armée secrète de la France », était d’ailleurs, Antoine-Émile Moulin, un franc-maçon, membre de la loge Action sociale. Le général de Gaulle avait pour sa part comme gendre, Alain de Boissieu, dont l’oncle Michel de Boissieu, qui était officier de cavalerie était membre de l’ordre de la Francisque, une décoration qui était attribuée par le régime de Vichy en tant que marque d’estime à Philippe Pétain, qui semble également avoir été à l’origine d’une loge. Ces points ne sont pas abordés par Le Mer.
L’auteur signe également d’autres biographies, comme celle de Georges Dunoir, fondateur du Coq Enchaîné, qui fût arrêté en 1942 avant d’être déporté à Dachau puis à Allach où il fonda une loge maçonnique : les Frères captifs d’Allach. Il évoque également Antonin Jutard dont les brasseries étaient des plaques tournantes de la Résistance, assassiné par des hommes du Mouvement national anti-terroriste français (MNAT) et Henri Chevalier, imprimeur de plusieurs journaux de résistance. Ces récits sont souvent accompagnés de photographies, ajoutant une dimension visuelle à l’impact historique et émotionnel du livre.
Des vies dévouées à la liberté ?
Toutefois, l’ouvrage pourrait bénéficier d’une analyse plus approfondie des motivations personnelles et idéologiques de ces résistants francs-maçons. Bien que Le Mer mentionne souvent leur engagement pour la liberté et contre l’oppression, une exploration plus nuancée de leurs convictions maçonniques et de la manière dont celles-ci ont influencé leur engagement dans la Résistance aurait enrichi l’analyse. D’autant plus que Régis Le Mer, est également le co-auteur du livre « Le Spectre de la terreur, ces Français auxiliaires de la Gestapo », publié en 2020 et préfacé par Michel Noir, qui s’est rendu à la conférence du groupe Bilderberg en 91, selon l’universitaire Allemand, Zielnski.
Francs-maçons résistants. Lyon. 1940-1944. De Régis Le Mer. Broché.
