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Les racines templières de la Maçonnerie : mythe ou réalité ?

L’Ordre du Temple, mieux connu sous le nom des Templiers, demeure l’une des organisations les plus intrigantes et controversées de l’histoire médiévale. Fondé lors du concile de Troyes en janvier 1129, cet ordre religieux et militaire français a marqué les XIIe et XIIIe siècles par son rôle clé dans les Croisades et la protection des pèlerins se rendant à Jérusalem. Pris en étau entre le Pape, qu’ils servaient et Philippe le Bel qui souhaitaient étendre son autorité, l’ordre a été dissout et persécuté. En Ecosse et en Angleterre, il se seraient toutefois constitués en société secrète noyautant les corporations des anciens maçons des cathédrales et de ces corporations serait néé la maçonnerie.

Les Templiers, officiellement appelés les Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon, tirent leur nom de la mosquée al-Aqsa, que les Croisés avaient assimilée au temple de Salomon. Cette milice chrétienne fut transformée en ordre monastique lors du concile de Troyes, rassemblant des chevaliers voués à la défense de la foi et à l’accompagnement des pèlerins vers le Saint-Sépulcre de Jérusalem.

Actifs sur les champs de bataille des Croisades et lors de la Reconquête ibérique, les Templiers ont joué un rôle déterminant dans les conflits contre les musulmans en Terre Sainte et dans le royaume catholique d’Espagne. Leur engagement militant se doublait d’une mission de protection des lieux saints et des voyageurs religieux.

Grâce à d’importants dons fonciers, l’Ordre a constitué un vaste réseau de commanderies à travers l’Europe catholique d’Occident. Ces monastères bénéficiaient de nombreux privilèges, notamment fiscaux, faisant des Templiers des acteurs financiers majeurs de leur époque. Ils effectuaient des transactions et géraient les trésors royaux, ce qui leur a valu une grande influence mais aussi des envieux et des adversaires.

La persécution de l’ordre

Après la perte de la Terre Sainte suite au siège de Saint-Jean-d’Acre en 1291, les Templiers ont été pris dans la tourmente de la lutte entre le roi de France, Philippe le Bel, et la papauté d’Avignon. L’époque était en effet marquée par des tensions entre le roi de France et le pape Boniface VIII, ce dernier affirmant la supériorité du pouvoir pontifical sur le pouvoir temporel des rois avec la publication de la bulle Unam Sanctam en 1302, tandis que Philippe le Bel voulait étendre son influence. Ces querelles influencèrent profondément le destin des Templiers, notamment après la mort de Boniface VIII et l’élection de Clément V en 1305.

Le transfert des Templiers à Chypre et leur retour ultérieur en Occident n’ont fait que renforcer leur puissance économique et militaire, accentuant les tensions avec les pouvoirs locaux. Leur immense fortune, accrue par divers droits et bénéfices, ainsi que leur force militaire, représentant une menace pour le roi Philippe IV, entraînent une surveillance accrue de l’ordre.

L’accusation de reniement du Christ et d’autres pratiques hérétiques par Esquieu de Floyran, un renégat de l’Ordre, fournit à Philippe IV le prétexte nécessaire pour agir. Le 13 octobre 1307, sur ordre du roi, les Templiers furent arrêtés en masse, leurs biens saisis et un procès s’ensuit, marqué par la torture et de force aveux. Le parchemin de Chinon a été retrouvé en 2002 par l’historienne Barbara Frale aux archives apostoliques du Vatican et publié en 2007 avec l’ensemble des documents relatifs au procès. Ce document, écrit en latin sur des feuilles de peau de chèvre, révèle les procédures d’interrogatoire qui se sont déroulées dans la salle basse du Temple à Paris. Les détails minutieux des interrogatoires menés par l’inquisiteur de France, Guillaume de Paris, montrent comment les aveux concernant des actes comme cracher sur la croix ou des pratiques sexuelles interdites, ont été extorqués sous la torture. Ces « aveux », ainsi que ceux du grand maître Jacques de Molay, sont consignés sur le rouleau.

En novembre 1310, le pape Clément V a tenté de contrer le roi en organisant sa propre enquête, ce qui a permis à de nombreux Templiers de se rétracter. Cependant, cette action a mené à une nouvelle vague de répression, avec l’exécution de 54 Templiers en 1310 pour apostasie.

Le procès des Templiers, bien qu’initialement de compétence papale, a été mené par la justice laïque française, exacerbant le conflit entre la papauté et le royaume de France. Clément V, sous la pression de Philippe IV, a fini par dissoudre officiellement l’Ordre en 1312.

La fin tragique de Jacques de Molay, le dernier maître de l’Ordre du Temple, est emblématique du destin sombre et controversé de cet ordre religieux et militaire. Après avoir été accusé de diverses hérésies et crimes, de Molay et d’autres hauts dignitaires de l’Ordre furent contraints de réitérer leurs aveux devant une commission pontificale le 18 mars 1314. Cette commission était composée de trois cardinaux et de représentants du roi de France.

Cependant, lors de la lecture de la sentence sur le parvis de Notre-Dame de Paris, un retournement dramatique eut lieu. De Molay et Geoffroy de Charnay, précepteur de Normandie, renièrent leurs aveux forcés sous la torture. Proclamant leur innocence, ils furent immédiatement déclarés relaps, un terme désignant ceux qui, après avoir abjuré leur foi ou leurs erreurs, y retombent. Les règles de l’Inquisition stipulaient que les relaps devaient être remis au bras séculier pour être punis, c’est-à-dire à l’autorité laïque pour l’exécution.

Le roi Philippe le Bel, ignorant les recommandations des cardinaux pour la prison à vie, ordonna que de Molay et de Charnay soient brûlés vifs. Leur exécution eut lieu sur l’Île aux Juifs à Paris. Selon les témoignages de l’époque, dont celui de Geoffroi de Paris, Jacques de Molay utilisa ses derniers moments pour clamer sa foi en la justice divine, prononçant des paroles qui entreraient dans la légende. Il prédit le malheur imminent pour ceux qui avaient injustement condamné l’Ordre, une malédiction qui serait plus tard embellie et étendue par des auteurs ésotériques et historiens, attribuant à de Molay la malédiction de ses accusateurs jusqu’à la treizième génération. Selon la légende, cette déclaration aurait été suivi d’une série d’événements malheureux, perçus comme une malédiction. Peu après l’exécution des Templiers, des corbeaux, souvent associés à la mort et au malheur, auraient envahi les toits du Palais Royal. Cette malédiction semble s’être confirmée avec la mort du pape Clément V en avril 1314, et celle de Philippe le Bel, qui a succombé à un probable accident vasculaire cérébral au mois de novembre de la même année.

Les cas particuliers de l’Ecosse et de l’Angleterre

La fin tragique de l’Ordre a donné lieu à de nombreuses spéculations et légendes, nourrissant l’imaginaire collectif jusqu’à aujourd’hui. Si en France l’ordre a été anéanti, dans d’autres régions, les Templiers n’ont pas été condamnés mais intégrés dans d’autres ordres ou retournés à la vie civile. En Angleterre, Édouard II a initialement résisté à la pression de persécuter les Templiers, mais a finalement cédé sous la directive papale sans toutefois utiliser la torture. Les Templiers repentants ont été absous par un tribunal en 1310, et leurs biens n’ont été transférés aux Hospitaliers qu’en 1324. En Écosse, où Robert Ier était excommunié et ne reconnaissait pas l’autorité papale, les Templiers ont reçu protection et ont été absous en 1312. Des légendes persistent sur leur rôle lors de la bataille de Bannockburn en 1314, contre les troupes anglaises aux côtés de Robert Bruce figure de la résistance écossaise, qui restera tristement célèbre pour avoir fait assassiné son rival, John Comyn, dans l’église franciscaine de Dumfries. Toutefois de nombreuses traces templières ont été laissées en Écosse bien après la dissolution de l’ordre.

À l’origine de la Maçonnerie ?

Par la suite les templiers se seraient constitués en société secrète et auraient donné vie au club dit des Jacobins d’après le nom de Jacques Molay. Ils auraient noyauté les corporations des anciens maçons des cathédrales et de ces corporations serait néé la maçonnerie, qui se nomme ainsi car ses membres se considéraient « free masons », de libres maçons.

Les premières loges de francs-maçons sont officiellement apparues en 1598 en Ecosse, avant de se diffuser en Angleterre à la fin du XVIIe siècle puis dans le reste de l’Europe. La Franc-maçonnerie a émergé en France entre 1725 et 1730. Le Franc-maçon écossais, le chevalier de Ramsay, qui était un protestant converti au christianisme installé dans l’hexagone, y a prononcé ce que l’on considère comme le premier discours franc-maçon de l’histoire de France en 1736, se réclamant de l’héritage Templier. Celui-ci fût également revendiquer par la Stricte Obédience templière (SOT) qui a connu un grand succès en Allemagne ou le Système Suédois.

À la mort du baron von Hund, qui avait fondé la SOT, fut organisée en 1782, une grande réunion de la Maçonnerie européenne à Wilhelmsbad, où l’héritage templier a été abandonné à l’initiative du maçon Lyonnais, Jean-Baptiste Willermoz, sans doute influencé par Adam Weishaupt, le fondateur des Illuminés de Bavières, profondément anticlérical et qui aspirait à renverser les princes d’Europe. Après ce grand convent et avec l’aide du baron Adolf von Knigge, issu d’une loge de la SOT, les Illuminés de Bavière ont connu un fort développement avant d’être interdits, mais auraient essaimé dans le monde entier en Italie, en Amérique et en France, où ils auraient noyauté la plupart des loges maçonniques dans les années 1780. Dans « Le Cimetière de Prague », Umberto Eco, fait dite au narrateur, qu’au moment où la tête de Louis XVI fut tranchée, un cri s’éleva de la foule : « Jacques de Molay, tu es vengé ! »

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