Le 10 juillet 1940, à Vichy, l’Assemblée nationale française votait les pleins pouvoirs constituants au maréchal Pétain, ouvrant la voie à l’instauration du régime de Vichy. Retour sur ce basculement historique qui mit fin à la Troisième République.
Il y a 85 ans, la France vivait un tournant institutionnel majeur. Le 10 juillet 1940, l’Assemblée nationale, réunissant députés et sénateurs au Grand Casino de Vichy, votait à une écrasante majorité les pleins pouvoirs constituants au maréchal Philippe Pétain. Quelques jours auparavant, la défaite militaire avait conduit à l’armistice signé le 22 juin avec l’Allemagne nazie, scellant l’effondrement de la Troisième République.
Sur les 907 parlementaires inscrits en 1939, seuls 670 étaient présents ce jour-là, dont 426 députés et 244 sénateurs. Les élus communistes, déchus de leur mandat depuis janvier 1940, étaient absents, tout comme 27 parlementaires embarqués à bord du paquebot Massilia vers Casablanca. Au total, sur 649 suffrages exprimés, 569 votèrent pour (soit 87,6 %), 80 contre et 20 s’abstinrent.
Le texte adopté confiait « tous pouvoirs au Gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du maréchal Pétain », afin de promulguer une nouvelle Constitution qui garantirait « les droits du travail, de la famille et de la patrie ». Ce vote ne prévoyait ni la dissolution explicite des Chambres ni la fin officielle de la présidence de la République. Pourtant, Albert Lebrun, resté en retrait après avoir refusé de démissionner, fut de fait remplacé par Pétain, qui devint chef de l’État.
Le contexte était celui d’une France en ruine, divisée et occupée, où l’option de poursuivre la guerre depuis la Corse ou les colonies avait été écartée après la démission du gouvernement de Paul Reynaud le 16 juin. Albert Lebrun avait alors nommé Pétain, figure victorieuse de 1918 âgée de 84 ans, qui demanda immédiatement l’armistice.
Le scrutin du 10 juillet avait été précédé, le 9 juillet, d’un vote séparé de la Chambre des députés et du Sénat approuvant à une quasi-unanimité le principe de la révision constitutionnelle. À Vichy, la séance fut présidée par Jules Jeanneney, président du Sénat. Parmi les 80 parlementaires ayant voté contre figuraient Léon Blum et Vincent Auriol. Vincent Badie s’écria, à l’issue du vote, « Vive la République quand même ! ».
Ce vote mit fin à la Troisième République et inaugura le régime de Vichy, qui engagea la France sur la voie de la collaboration avec l’Allemagne nazie. Pour nombre d’historiens, il reste l’un des plus grands renoncements parlementaires de l’Histoire contemporaine française.
L’épisode a d’ailleurs suscité de nombreux débats entre historien, certains affirmant que la « Chambre du Front populaire » aurait « sabordé » la République, d’autres contredisant cette théorie, soulignant que 73 des 80 opposants étaient des élus de gauche, comme l’a rappelé l’historien Gilles Candar.