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Photo : @Benoît Prieur

Vidéosurveillance : l’explosion des caméras dans l’agglomération bordelaise

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Longtemps rétives à la vidéosurveillance, les communes de la métropole bordelaise ont opéré en vingt ans un tournant spectaculaire. De dix caméras en 2002, toutes situées à Bordeaux, le territoire en compte aujourd’hui près de 1 500. Une mutation profonde, révélatrice des enjeux sécuritaires, politiques et sociaux qui traversent l’agglomération.

Au début des années 2000, la vidéosurveillance relevait encore du tabou dans l’agglomération bordelaise. En 2002, la métropole n’abritait que dix caméras, toutes implantées dans les rues de Bordeaux. Les autres communes, qu’elles soient dirigées par la droite ou la gauche, refusaient cette technologie jugée coûteuse, peu probante et porteuse de dérives en matière de libertés publiques. Les travaux du sociologue Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS, nourrissaient alors ce scepticisme en rappelant que les caméras « ne protègent pas » et que leur efficacité reste très relative, même dans les drames majeurs.

Pourtant, en l’espace d’une décennie, la tendance s’est inversée. En 2017, seules dix communes disposaient d’un réseau de vidéosurveillance. À l’orée des municipales de 2014, seules cinq villes étaient équipées. Le basculement intervient véritablement durant le mandat 2014-2020, au cours duquel treize communes sautent le pas. Entre 2020 et 2025, huit autres les imitent. Résultat : 1 490 caméras quadrillent aujourd’hui l’espace public métropolitain, chiffre appelé à grimper à 1 839 d’ici l’été 2026, soit une hausse de 20 %.

Certaines villes se distinguent nettement par l’ampleur de leur parc. Sur la rive gauche, Mérignac occupe la première place avec 436 caméras, devant Bordeaux (242), Pessac (78), Villenave-d’Ornon (66) et Saint-Médard-en-Jalles (60). À l’inverse, la rive droite, marquée par des quartiers populaires et une précarité plus élevée, détient le record du nombre de caméras rapportées au nombre d’habitants. Bouliac affiche ainsi un ratio d’une caméra pour 165 habitants, Saint-Vincent-de-Paul une pour 169, Bassens une pour 203, Carbon-Blanc une pour 245 et Cenon une pour 372. À l’opposé, Talence et Pessac, villes universitaires, se montrent plus modérées avec respectivement une caméra pour 1 433 et 857 habitants.

La densité au kilomètre carré renforce encore ces contrastes. Cenon atteint un record de 13 caméras par km², tandis que Le Bouscat et Mérignac en comptent 9, Carbon-Blanc 8,8 et Bordeaux 4,9. Dans certaines communes périphériques, la surveillance reste marginale : Martignas-sur-Jalle n’affiche que 0,34 caméra par km², Ambès 0,35 et Parempuyre 0,5.

Le déploiement récent révèle aussi des accélérations fulgurantes. Depuis 2019, Mérignac a connu une hausse vertigineuse de + 3 864 % avec 425 caméras installées. Eysines, Bouliac, Pessac et Talence suivent cette dynamique, multipliant parfois leur parc par trois ou dix. À contre-courant, Saint-Louis-de-Montferrand a renoncé à ses caméras en 2024 pour raisons budgétaires, tandis que Saint-Vincent-de-Paul s’interroge sur le maintien de son dispositif en raison de pannes récurrentes.

Enfin, deux communes résistent ouvertement à l’essor de la vidéosurveillance : Bègles et Le Haillan. Pour Andréa Kiss, maire du Haillan, les caméras relèvent d’un « populisme sécuritaire » et leur efficacité serait limitée, selon une étude de la gendarmerie. Malgré ces positions minoritaires, l’agglomération bordelaise, massivement équipée, s’aligne désormais sur les grandes métropoles françaises en matière de contrôle visuel de l’espace public.

Sources :

Le Point – Article du 17 novembre 2025 – lien

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