La coalition de droite sortante dirigée par Luis Montenegro s’est imposée lors des élections législatives portugaises du 17 mai. Malgré cette victoire relative, l’équilibre du pouvoir reste fragile, dans un Parlement morcelé où les alliances s’annoncent complexes et incertaines.
Portée par l’Alliance Démocratique (AD), la droite est arrivée en tête du scrutin, confirmant sa suprématie sur la scène politique lusitanienne après la crise institutionnelle qui a précipité la chute du gouvernement socialiste en 2024. Si cette avance électorale permet à Luis Montenegro de conserver son poste de Premier ministre, elle ne lui garantit en rien une majorité pour gouverner de façon stable. Le chef du gouvernement est confronté à un paysage parlementaire éclaté où ni la droite ni la gauche n’ont de réelle marge de manœuvre pour former un bloc solide.
Une victoire sans majorité claire
Avec seulement 29 % des voix, l’AD ne dépasse la gauche socialiste que de quelques sièges. Le Parti socialiste (PS), en déclin après neuf années au pouvoir, limite cependant les pertes et reste la deuxième force politique du pays. Ce resserrement entre les deux blocs traditionnels explique l’équilibre précaire au sein de l’Assemblée. Aucun des deux partis ne détient une majorité absolue, rendant toute initiative législative tributaire de négociations tendues ou d’alliances fluctuantes.
S’ajoute à cela la poussée de Chega, parti d’extrême droite mené par André Ventura, qui consolide sa troisième position avec plus de 18 % des suffrages. Ce score net bouleverse les équations politiques et impose à Luis Montenegro un dilemme stratégique majeur. Jusqu’ici très réticent à coopérer avec cette formation sulfureuse, le Premier ministre pourrait être contraint de composer avec elle pour espérer faire passer des lois. Une alliance explicite, ou un simple soutien parlementaire ponctuel, risquerait toutefois de fragiliser la légitimité du gouvernement auprès d’un électorat modéré, tout en irritant les partenaires européens.
Un centre saturé, des extrêmes renforcés
Le scrutin confirme par ailleurs l’érosion du centre politique portugais. Tandis que le Parti socialiste paye le prix de nombreux scandales et d’une usure du pouvoir, la droite traditionnelle peine à élargir sa base électorale. Dans ce vide, les formations aux discours plus clivants se renforcent, Chega en tête, mais aussi le parti Libéral-Initiative, qui progresse en attirant une partie de la jeunesse urbaine.
Le Parlement issu des urnes reflète un pays profondément divisé. L’augmentation du taux d’abstention, proche des 50 %, souligne le désenchantement croissant de la population vis-à-vis d’une classe politique jugée inefficace. Cette fragmentation de la représentation rend les perspectives de gouvernance particulièrement complexes, notamment face aux défis économiques qui attendent le pays : inflation persistante, crise du logement et tensions sur le marché du travail.
Luis Montenegro, figure du centre droit, s’est engagé à gouverner sans céder aux pressions des extrêmes. Mais les chiffres sont implacables : sans majorité stable, toute tentative de légiférer passera par des compromis parfois contradictoires avec ses engagements initiaux. D’autant que le Parti socialiste, bien que affaibli, entend jouer un rôle actif dans l’opposition et ne cache pas ses ambitions de revenir au pouvoir à la faveur d’une éventuelle crise gouvernementale.
Dans les prochains mois, la stabilité institutionnelle du Portugal dépendra donc de la capacité du premier ministre à se maintenir au centre du jeu sans perdre sa cohérence politique, ni céder au chantage des franges plus radicales. Un équilibre périlleux dans un climat de polarisation croissante.