Conclu en juillet pour réduire les traversées illégales de la Manche, l’accord migratoire entre la France et le Royaume-Uni prévoit le renvoi de migrants vers la France en échange d’une ouverture limitée de voies légales vers Londres. Ses premiers effets devraient se concrétiser dans les jours à venir, malgré des contestations et recours en justice.
Le 10 juillet dernier, Paris et Londres scellaient un accord migratoire inédit, présenté comme une étape majeure de leur coopération sur la question sensible des traversées de la Manche. Surnommé « One in, one out », le texte prévoit que le Royaume-Uni renvoie vers la France les migrants arrivés par voie maritime clandestine, tandis qu’un nombre équivalent de personnes sera autorisé à entrer légalement sur le territoire britannique depuis Paris. L’objectif affiché est de dissuader les traversées périlleuses qui, malgré les contrôles renforcés, ont concerné plus de 31 000 personnes en 2025 et 182 000 depuis 2018.
D’après plusieurs ONG françaises et britanniques, une dizaine de migrants étaient visés dès le 15 septembre par des ordres de quitter le territoire, avec des vols commerciaux planifiés vers l’aéroport de Roissy. Le Monde a pu consulter l’un de ces documents, assorti d’un plan de vol opéré par Air France. Toutefois, lundi soir, aucun transfert n’avait encore eu lieu : plusieurs expulsions ont été suspendues par décision de justice, certaines personnes invoquant le risque de se retrouver à la rue ou de retomber sous la coupe de passeurs une fois en France, compte tenu de la saturation du système d’hébergement.
Parmi les personnes concernées figurent des ressortissants d’Érythrée, d’Éthiopie, du Soudan, d’Irak, d’Afghanistan et même de Gaza. Depuis le début de l’application de l’accord en août, environ 100 personnes arrivées par « small boats » ont été placées en détention près des aéroports de Heathrow et Gatwick en vue de leur expulsion vers la France. Leurs demandes d’asile ont été jugées irrecevables, au motif qu’elles auraient pu être déposées dans un pays tiers sûr : la France. Certaines personnes ont néanmoins pu réintégrer la procédure d’asile britannique, notamment des mineurs initialement considérés comme adultes.
Du côté français, le dispositif suscite des interrogations. Les migrants renvoyés devraient pouvoir demander l’asile, mais aucune précision n’a été donnée sur les modalités concrètes de cette procédure. Paris exerce par ailleurs un droit de regard sur les profils transmis par Londres : les personnes jugées dangereuses pour l’ordre public sont exclues, et la France privilégierait celles qui peuvent être réorientées vers un retour volontaire ou via des accords de réadmission. Des premiers renvois ont ainsi été suspendus en septembre car ils concernaient exclusivement des Palestiniens de Gaza.
En parallèle, les premiers transferts de migrants depuis la France vers le Royaume-Uni devraient avoir lieu samedi, concernant des hommes seuls, principalement afghans, syriens et irakiens installés dans les Hauts-de-France. Dans un climat politique tendu à Londres, où l’extrême droite a récemment mobilisé près de 150 000 manifestants contre l’immigration, le gouvernement britannique espère prouver sa fermeté. Mais pour les associations, cet accord illustre une logique de marchandage humain, sans répondre aux causes profondes des migrations.
Enfin, un volet financier demeure en négociation. Paris et Londres doivent d’ici fin 2025 fixer le montant d’un nouveau paquet d’aides sur trois ans (2026-2029), dans la continuité du traité de Sandhurst de 2018, par lequel le Royaume-Uni a déjà versé 760 millions d’euros à la France pour renforcer le contrôle des frontières.
Sources :
Le Monde – Immigration : l’accord entre le Royaume-Uni et la France sur le renvoi de migrants devrait être mis en pratique dans les jours à venir – 16 septembre 2025 – lien