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La Dre Sylvie Briand/ Photo : @Milken Institute.

Traité sur les pandémies : L’OMS accélère avec une nouvelle visio de son réseau de lutte contre la désinformation

Alors que que l’Instance intergouvernementale de négociation (INB) de l’OMS a adopté le 16 avril un projet d’accord international visant à mieux prévenir et gérer les futures pandémies, texte qui sera soumis à l’Assemblée mondiale de la santé le 19 mai 2025, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) via l’EPI-WIN, son réseau d’information dédié aux urgences sanitaires visant à lutter contre la désinformation et le Global Preparedness Monitoring Board (GPMB), piloté par l’agence onusienne et la Banque mondiale ont organisé ce mercredi 23 avril un webinaire stratégique sur « Le nouveau visage de la préparation aux pandémies ».

L’idée d’un traité international sur les pandémies a été lancée par le président du Conseil européen et contributeur au Forum économique mondial, Charles Michel, lors du Forum de Paris sur la paix en novembre 2020. Elle a rapidement reçu le soutien des dirigeants du G7 en février 2021, puis le Conseil européen a appelé à une coopération sanitaire mondiale renforcée, sous l’égide de l’OMS.

En décembre 2021, les États membres de l’OMS ont officiellement lancé le processus de rédaction d’un instrument juridiquement contraignant pour prévenir, se préparer et répondre aux futures pandémies. Il a été confié à l’Instance intergouvernementale de négociation (INB) de l’OMS, une instance créée spécialement pour l’occasion.

La première réunion de négociation intergouvernementale a eu lieu le 24 février 2022, sous la coprésidence de Malebona Precious Matsoso (Afrique du Sud) et Roland Driece (Pays-Bas). Après 13 sessions formelles et de nombreuses discussions informelles, un projet de traité international visant à encadrer la réponse mondiale aux pandémies a été adopté à l’unanimité le 16 avril par les membres de l’INB.

Ce projet de traité à toutefois suscité d’importantes inquiétudes conçernant la perte de souveraineté des États membres de l’OMS. De nombreuses personnalités telles que le Dr German Velasquez, ancien cadre de l’OMS, Elon Musk, Donald Trump ou le journaliste américain James Roguski dénoncent ce traité pour cette raison.

Une visio mondiale dans un moment charnière

Ce webinaire intervient dans ce contexte. Ce traité pourrait redéfinir les mécanismes de coopération, de partage des données, d’accès aux traitements et de gouvernance sanitaire mondiale.

C’est donc dans cette dynamique que le GPMB, en collaboration avec le réseau EPI-WIN (Information Network for Epidemics) de l’OMS, a réuni des experts de Singapour, du Japon, de Thaïlande et du Pacifique occidental pour tirer les enseignements de la COVID-19 et dessiner les contours de la prochaine génération de plans de préparation.

Des modèles nationaux en mutation

Le Professeur Vernon Lee (Singapour) a exposé la stratégie « plug-and-play » adoptée par son pays : un système modulaire et agile permettant d’activer les mesures sanitaires en fonction de l’évolution réelle d’un agent pathogène. Singapour a également fondé une nouvelle agence des maladies infectieuses, renforcé son réseau de production locale, et anticipé la gestion logistique en cas de vague épidémique.

Le Dr Tomoya Saito (Japon) a insisté sur l’importance de ne pas calquer les futurs plans sur la COVID-19 : « trop d’États ont adapté leurs plans sur la grippe H1N1, et ont été surpris par la nature atypique du SARS-CoV-2 ». Le Japon met désormais l’accent sur des plans flexibles, un cadre législatif révisé et un renforcement de la communication entre science, politique et population.

Du côté de la Thaïlande, le Dr Viroj Tangcharoensathien a partagé la réalité des pays à revenu intermédiaire : si le système de santé thaïlandais a pu garantir l’accès équitable aux vaccins, la pandémie a révélé la fragilité des populations vulnérables, la prolifération de la désinformation et le besoin de coordination intergouvernementale.

Une vision systémique pour l’avenir

Ce webinaire servira de base à la rédaction du rapport 2025 du GPMB, qui vise à mieux articuler les dimensions sociales, économiques et politiques des pandémies à venir. La directrice du GPMB, Dr Sylvie Briand, a rappelé que la résilience globale ne peut se limiter à la logistique sanitaire : elle suppose un engagement collectif, intersectoriel et anticipé, fondé sur des données fiables et partagées.

Ce webinaire, en synergie avec le traité sur les pandémies, incarne une tentative de rééquilibrage de la gouvernance mondiale de la santé, en intégrant : les leçons douloureuses du COVID-19, la nécessité d’adaptabilité locale et l’ambition d’une solidarité sanitaire internationale.

Qu’est-ce que le GPMB ?

Le Conseil mondial de surveillance de la préparation est une branche conjointe de l’OMS et de la Banque mondiale, deux entités affiliées au Forum économique mondial. Il a été créé par les deux organisations en réponse à l’épidémie du virus Ebola en Afrique de l’Ouest en 2019. Les deux entités ont alors publié un rapport intitulé Global Preparedness Monitoring Board soulignant que les systèmes de santé mondiaux restaient vulnérables en cas de pandémies, que les financements étaient insuffisants et que la confiance des populations était en baisse. L’OMS et la Banque mondial précisaient que les conflits, l’urbanisation, lacrise climatique et la désinformation aggravaient le risque. Les experts appelaient à agir avant la prochaine crise, et non en réaction.

Dans le board du GPMB, on retrouve les contributeurs de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Victor Dzau (Président de la National Academy of Medicine), Chris Elias (Président du programme de développement mondial de la Fondation Bill & Melinda Gates), Henrietta Fore (Ancienne directrice exécutive de l’UNICEF), Ilona Kickbusch (Directrice du Global Health Centre à Genève), Jeremy Farrar (Directeur scientifique de l’OMS et ancien directeur du Wellcome Trust), Anthony Fauci (ancien conseiller Santé des présidents américains Biden et Trump), Sigrid Kaag (Ancienne ministre néerlandaise du Commerce extérieur et de la Coopération au développement).

EPI-WIN : Le réseau d’information de l’OMS pour les urgences sanitaires

EPI-WIN est le réseau d’information de l’OMS dédié aux urgences sanitaires dirigé par Sylvie Birand. Lancé pour répondre aux défis de communication pendant des crises comme la COVID-19, il vise à rendre l’information scientifique compréhensible et utile pour les décideurs comme pour les communautés. En s’appuyant sur des réseaux thématiques pour adapter l’information aux publics cibles (jeunes, personnes de foi, travailleurs, décideurs politiques, etc.), EPI-WIN facilite la co-création de solutions locales, combat la désinformation et renforce la littératie scientifique. Il soutient la traduction rapide des données en formats accessibles et poursuit l’objectif d’un engagement global, coordonné et durable en amont des futures pandémies.

Sylvie Briand théoricienne de l’infodémie

Médecin et épidémiologiste française, Sylvie Briand dirige le département des maladies pandémiques et épidémiques à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Formée à la médecine à Toulouse, puis docteure en santé publique et épidémiologie, elle a d’abord travaillé à l’Hôpital de Toulouse avant de s’engager sur le terrain en Amérique du Sud pour lutter contre le choléra.

Depuis son entrée à l’OMS en 2001, elle a mené des initiatives majeures : campagne contre la fièvre jaune en Afrique (plus de 100 millions de personnes vaccinées), gestion de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, direction du programme mondial contre la grippe en 2009, et création de la plateforme OpenWHO pour former les soignants aux urgences sanitaires.

Durant la pandémie de COVID-19, elle a fondé EPI-WIN, le réseau d’information de l’OMS pour combattre l’infodémie et la désinformation. Elle a popularisé l’usage du terme infodémie, définie comme une surcharge d’informations, incluant des rumeurs, fake news et théories du complot. Elle s’est insurgé contre la propagation d’informations erronées ou non vérifiées pouvait devenir aussi dangereuse que le virus lui-même, selon elle. Briand défend une approche interdisciplinaire mêlant sciences médicales, sciences sociales et engagement communautaire pour lutter contre la désinformation. Sylvie Briand a insisté sur l’importance d’une communication contextualiséelocale, et inclusive, mobilisant les leaders communautaires et les acteurs de la société civile pour relayer des messages adaptés culturellement.

Durant la crise sanitaire, la Dr Briand a également initié des collaborations avec les plateformes de réseaux sociaux liés au Forum économique mondial, comme Facebook, YouTube, Google, TikTok et même le Twitter pré Elon Musk.

Le but était de déréférencer les fake news, mettre en avant les contenus validés par l’OMS et insérer des bandeaux d’information pointant vers les sources officielles. Briand a aussi mis en avant la nécessité de renforcer la littératie en santé à travers : des formations pour les journalistes, des outils pour les enseignants, des campagnes de communication communautaire.

Des conflits d’intérêts entre l’OMS et le Forum économique mondial ?

L’OMS entretient des relations institutionnelles avec le Forum économique mondial. Par exemple, en janvier 2020, l’OMS et le WEF ont collaboré pour créer le Pandemic Supply Chain Network (PSCN), une initiative visant à renforcer la coordination mondiale des chaînes d’approvisionnement en cas de pandémie.

De plus, le WEF a été impliqué dans le lancement de la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations (CEPI) en 2017, une initiative mondiale pour lutter contre les épidémies, en collaboration avec des partenaires tels que l’OMS, la Fondation Bill & Melinda Gates et le Wellcome Trust, deux entités liées au FEM.

Sources : OMS, Organisation panaméricaine de la santé

🗓️ Prochain rendez-vous : le 19 mai à Genève, pour un moment clé de l’histoire sanitaire mondiale ou de nos démocraties.

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