L’animateur Thierry Ardisson est décédé le 14 juillet 2025 à Paris à l’âge de 76 ans, des suites d’un cancer du foie. Figure incontournable du paysage audiovisuel français, il laisse derrière lui une carrière foisonnante, oscillant entre fulgurances créatives, dérapages contrôlés et combats d’ego, fidèle à son image de franc-tireur médiatique.
Thierry Ardisson est mort comme il a vécu : dans la mise en scène. Le 14 juillet 2025, à 76 ans, il a tiré sa révérence à Paris, après avoir longtemps lutté contre un cancer du foie. Quelques semaines auparavant, il publiait L’Homme en noir (Plon), où il orchestrait, avec son goût caractéristique de la dramaturgie, une mort fictive sous forme de « jugement dernier sous acide ». L’animateur-producteur, célèbre pour ses tenues noires et ses interviews frontales, avait préparé sa sortie comme un dernier spectacle.
Né le 6 janvier 1949 à Bourganeuf (Creuse), Thierry Pierre Clément Ardisson est issu d’une famille d’ingénieurs. Il passe son enfance entre la métropole, l’Algérie et la Savoie, avant de monter à Paris à 20 ans. Diplômé d’anglais à l’université Paul-Valéry de Montpellier, il débute dans la publicité où il brille par ses slogans devenus cultes : « Quand c’est trop, c’est Tropico », « Vas-y Wasa » ou « Lapeyre, y’en a pas deux ! ». En 1978, il cofonde l’agence Business, où il invente le spot de pub de huit secondes.
Mais le monde des médias l’appelle. Il multiplie les incursions dans la presse (Entrevue, L’Écho des savanes) et entame sa carrière télévisuelle dans les années 1980 avec Bains de minuit et Lunettes noires pour nuits blanches. Sa marque de fabrique : une télé provocatrice, où les questions franches et les silences pesants font tomber les masques. Il théorise les « questions cons », les auto-interviews, les formats impertinents.
À partir de 1998, Tout le monde en parle devient son royaume. Pendant neuf ans sur France 2, il y reçoit politiques, artistes, anonymes avec une verve et une audace qui fascinent et agacent. En parallèle, il continue de produire avec succès (Paris Dernière, Salut les Terriens !, 93, faubourg Saint-Honoré), tout en essuyant des revers retentissants (Tribu, Hôtel du temps, émission IA avec des défunts).
Ardisson a aussi marqué la scène littéraire, avec plusieurs ouvrages mêlant autofiction et pamphlet monarchiste. Royaliste affirmé, celui qui se disait « Chrétien de gauche » défendait la monarchie constitutionnelle et a fait de Louis de Bourbon, duc d’Anjou, le parrain de sa fille. Il aime choquer, déranger, surprendre — quitte à franchir la ligne. Ses nombreuses polémiques, de la fausse interview sur le tourisme sexuel au Brésil aux déclarations de Zemmour sur son plateau sur les dealers qui seraient majoritairement noir et Arabe, resteront dans les annales médiatiques. Récemment, il avait présenté des excuses étonnantes après avoir comparé Gaza et Auschwitz en mai 2025, preuve que certains sujets sont tabous.
Mais derrière l’homme de provoc’, une figure plus intime. Trois mariages, cinq enfants, une relation forte avec Audrey Crespo-Mara, sa troisième épouse, qui lui a consacré un documentaire diffusé cette année sur TMC. De son propre aveu, sa vie fut marquée par l’excès : drogues, fête, séduction. Il reconnaît avoir frôlé la mort dès les années 1970, après une tentative de suicide, et admettra ses addictions, notamment à l’héroïne, dans Confessions d’un baby-boomer. Il a expliqué à plusieurs reprises avoir décroché grâce à « Dieu et au jogging ».
Son influence a largement dépassé la télévision. Producteur au cinéma (Max, Les Souvenirs, Comment c’est loin), il s’est imposé comme une figure centrale de la culture populaire française, oscillant entre dandysme et trash. En 2024, Emmanuel Macron lui remet la Légion d’honneur. Un geste salué comme un hommage par certains, dénoncé comme une gifle par d’autres, dont l’écrivaine Christine Angot.
Jusqu’au bout, Ardisson aura défendu un idéal de télévision libre, orchestrée, scénarisée, où l’interview devenait une mise à nu. Il ne voulait pas « faire de la télé low-cost ».
Avec lui s’éteint une certaine idée de la télévision : plus littéraire que journalistique, plus provocante que consensuelle, plus spectacle que service public. Le royaliste a même réussi la gageure de mourir un 14 juillet. Thierry Ardisson est mort. Mais son ombre, elle, hante encore les plateaux.
Sources : Le Monde, Wikipédia, INA, AFP, Plon, Le Point, France Télévisions.