Emmanuel Macron a confirmé le prêt de la tapisserie de Bayeux au British Museum entre 2026 et 2027. Une décision saluée comme un geste diplomatique envers Londres mais dénoncée par les milieux patrimoniaux français, qui jugent l’œuvre millénaire trop fragile pour voyager.
Au musée de Bayeux, les visiteurs affluent depuis plusieurs semaines. Beaucoup veulent voir une dernière fois la tapisserie du XIe siècle avant sa fermeture pour deux ans de travaux et, surtout, avant son départ annoncé pour Londres. Le 8 juillet 2025, Emmanuel Macron a confirmé le prêt de l’œuvre au British Museum de septembre 2026 à juin 2027, relançant une promesse faite en 2018 et suspendue pendant les turbulences du Brexit.
Longue de 70 mètres, brodée sur une toile de lin, la tapisserie retrace l’invasion de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant jusqu’à la bataille d’Hastings en 1066. Avec ses 58 scènes, 626 personnages et 202 chevaux, elle constitue un témoignage unique de la vie médiévale. Mais sa fragilité est notoire. Conservée depuis 1983 dans une salle spécialement conçue, à température et humidité contrôlées, elle avait été déclarée “fondamentalement intransportable” par plusieurs études menées entre 2020 et 2022.
Le Guardian rappelle que l’une de ces expertises relevait plus de 24 000 taches, 16 000 plis, près de 10 000 défauts et 30 déchirures, déconseillant tout déplacement vertical de l’œuvre. Pour Didier Rykner, rédacteur en chef de La Tribune de l’Art, ce prêt constitue un “véritable crime patrimonial”. Sa pétition contre le projet a recueilli près de 68 000 signatures début septembre.
La presse britannique insiste sur l’aspect politique du geste. Pour le Daily Telegraph, Emmanuel Macron “défie les experts” en misant sur un coup diplomatique destiné à “célébrer la réconciliation franco-britannique”. Le projet avait initialement été conçu comme un symbole culturel fort au moment du Brexit, et a repris vigueur depuis l’arrivée de Keir Starmer au pouvoir.
Ce n’est pas la première fois que Londres convoite la tapisserie. En 1953, lors du couronnement d’Élisabeth II, et en 1966, pour le 900ᵉ anniversaire de Hastings, le Royaume-Uni avait déjà formulé la demande. Deux fois, la France avait refusé. Depuis sa création il y a près d’un millénaire, l’œuvre n’a été déplacée que deux fois : en 1804, sur ordre de Napoléon, et en 1944, en hommage aux Alliés.
Cette fois, l’Élysée a tranché. Malgré les avertissements répétés, l’œuvre rejoindra Londres en 2026, au risque de ranimer le débat sur la place de la diplomatie dans la préservation du patrimoine.
Source :
Courrier international – « Vu du Royaume-Uni. En prêtant la tapisserie de Bayeux à Londres, Macron “défie les experts” » – lien – 2 septembre 2025