À quatre mois de la fin de son mandat, le président portugais a accusé Donald Trump de favoriser “objectivement” la Russie, allant jusqu’à le qualifier d’“agent soviétique”. Une sortie spectaculaire qui divise profondément la classe politique et les médias lusitaniens, entre défense de la franchise présidentielle et dénonciation d’une irresponsabilité diplomatique.
Lisbonne est en effervescence depuis le 27 août. À l’université d’été du Parti social-démocrate (PSD), qu’il a lui-même dirigé dans les années 1990, le président Marcelo Rebelo de Sousa a lancé une attaque verbale sans précédent contre son homologue américain. Selon lui, Donald Trump agit comme un “atout soviétique” ou “russe”, travaillant objectivement pour les intérêts de Vladimir Poutine dans la guerre en Ukraine.
Cette déclaration fracassante a immédiatement suscité une avalanche de réactions. Pour Público, l’éditorialiste João Miguel Tavares a dénoncé une “énorme irresponsabilité diplomatique”, fustigeant l’usage d’une rhétorique héritée de la Guerre froide. “Marcelo termine ses dix années de présidence brisé et mélancolique, et c’est cet état d’esprit qui l’a conduit à offenser Trump”, écrit-il, estimant que cette sortie nuit à la crédibilité internationale du Portugal.
D’autres voix, au contraire, saluent le franc-parler présidentiel. Helena Pereira, rédactrice en chef du même quotidien, souligne que Marcelo “pèche par excès”, mais que beaucoup d’autres dirigeants européens “pèchent par défaut” en se murant dans le silence. Elle lui reconnaît le mérite d’exprimer ce que d’autres pensent tout bas, notamment face aux ambiguïtés américaines dans la gestion du conflit ukrainien.
Mais au-delà de la formule choc, certains analystes s’inquiètent des conséquences concrètes. Rui Pedro Antunes, de Observador, redoute que ce coup d’éclat n’affaiblisse Lisbonne dans ses négociations commerciales avec Washington, surtout si l’accord tarifaire entre l’Union européenne et les États-Unis venait à échouer. “Marcelo a dit exactement ce qu’il voulait dire, comme il le fait toujours. Et cela peut être un danger pour le pays”, insiste-t-il.
Dans Jornal de Negócios, le juriste António Moita va plus loin, estimant que la liberté de parole d’un chef d’État doit être mesurée : “Tant qu’il est président de la République, Marcelo doit remplir sa mission avec la dignité qui s’impose. Au lieu de taxer Trump d’‘agent russe’, on lui demande de cesser d’être passif sur les enjeux concrets du Portugal.”
À l’approche des élections présidentielles de janvier 2026, où il ne pourra pas briguer un troisième mandat, Marcelo Rebelo de Sousa laisse l’image d’un président imprévisible, capable de provoquer des débats enflammés mais aussi des crises diplomatiques. Ses déclarations tranchantes rappellent à quel point le Portugal, pays dépendant des aides européennes et sensible aux équilibres internationaux, ne peut se permettre de jouer avec ses alliances.
Sources :
Courrier international – « Politique. Trump, un “agent soviétique” ? Les propos du président portugais divisent le pays » – lien – 2 septembre 2025