La mise à jour de la Revue Nationale Stratégique acte un changement de cap majeur dans la doctrine militaire française. Paris se prépare ouvertement à l’éventualité d’un conflit majeur sur le continent européen d’ici cinq ans.

Le 14 juillet 2025, tandis que la France célébrait sa fête nationale, l’exécutif dévoilait une nouvelle version de la Revue Nationale Stratégique (RNS), le socle de sa politique de défense. Derrière l’apparat du défilé militaire sur les Champs-Élysées, le message était limpide : la France entre dans une ère de préparation militaire intense. La menace d’un conflit de haute intensité en Europe n’est plus une hypothèse abstraite, mais un scénario pris très au sérieux par les autorités.

Ce document fondamental, révisé périodiquement, dresse le panorama des menaces pesant sur la France et redéfinit les moyens nécessaires pour y répondre. Dans cette édition 2024-2025, la tonalité est grave. La RNS affirme sans détour que le pays doit se tenir prêt à un affrontement militaire majeur sur le continent dans un horizon de cinq ans. L’adversaire n’est pas explicitement nommé, mais les allusions sont claires : la Russie, désignée comme un acteur révisionniste, agressif et durablement hostile aux intérêts européens, est en ligne de mire.

La revue pointe quatre bouleversements stratégiques : la pérennité de la menace russe, la banalisation du recours à la force, l’accélération des transformations technologiques appliquées au champ de bataille (drones, guerre électronique, IA), et l’affaiblissement des alliances traditionnelles. C’est ce dernier point qui marque un tournant dans la pensée stratégique française.

La confiance envers l’OTAN, pilier de la sécurité collective depuis la Guerre froide, s’est sérieusement érodée. L’imprévisibilité américaine, exacerbée sous les présidences Trump et prolongée par une diplomatie unilatérale centrée sur les intérêts nationaux, a contraint Paris à reconsidérer sa dépendance envers Washington. Le soutien militaire des États-Unis n’est plus tenu pour acquis. Cette nouvelle donne pousse la France, et plus largement l’Europe, à se doter d’une autonomie stratégique accrue.

Face à ce constat, la RNS prévoit une montée en puissance accélérée des moyens de défense : augmentation du budget des armées, modernisation des capacités opérationnelles, constitution de stocks, renforcement de la dissuasion nucléaire et développement des capacités cyber. L’armée française doit redevenir, selon les mots du président Macron, « prête à encaisser et à infliger un choc majeur ».

La révision stratégique acte également un retour assumé à une vision plus réaliste, voire brutale, des relations internationales. Le droit international, les mécanismes multilatéraux de l’ONU, la diplomatie de compromis : tous ces piliers sont jugés affaiblis, voire obsolètes, face à des puissances comme la Russie ou la Chine qui privilégient les rapports de force.

L’actualisation de la Revue Nationale Stratégique consacre ainsi le passage d’une posture de projection à une posture de préparation défensive totale. L’armée française, en tenue de combat sur les Champs-Élysées, n’est plus seulement une image de parade, mais l’incarnation d’une nation qui se prépare à la guerre.

Sources : RTBF, Revue Nationale Stratégique 2024-2025, allocution du président de la République, ministère des Armées