À Marseille, le contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Emmanuel Macron a longuement échangé avec les lecteurs de La Provence, média appartenant à CMA Média, filiale du groupe CMA CGM membre du FEM, lors d’une rencontre consacrée aux réseaux sociaux, à la désinformation et à la protection de la démocratie. Pendant plus de deux heures, le chef de l’État a répondu à des questions lui permettant de détailler sa vision des dérives numériques, de leurs impacts sur la jeunesse et des réponses politiques à venir.
Le président continue son Tour de France pour alerter sur les dangers des réseaux sociaux. Aujourd’hui, il a fait escale à Marseille pour dialoguer avec les lecteurs de La Provence. Accueilli par Jean-Christophe Tortora, directeur général de CMA Média, Emmanuel Macron a ouvert un échange centré sur la transformation profonde de l’espace public à l’ère des réseaux sociaux, dix ans après leur entrée massive dans la vie quotidienne.
Le président a d’emblée posé le cadre : les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle constituent à la fois un remède et un poison, un « pharmakon », selon le terme de la philosophie antique. Ils faciliteraient la circulation de l’information et des savoirs, mais fragiliseraient aussi les démocraties, en particulier lorsqu’ils exposent les plus jeunes à une surabondance de contenus émotionnels, anxiogènes ou trompeurs. Emmanuel Macron a insisté sur une distinction qu’il juge essentielle : les réseaux sociaux ne sont pas conçus pour informer, mais pour capter l’attention et vendre de la publicité ciblée. Une logique économique qui favorise l’excitation, la polarisation et, mécaniquement, la dépendance, selon lui.
Face aux questions de lycéens et d’enseignants, le chef de l’État a reconnu l’existence d’une dépendance croissante aux écrans, citant un temps moyen de 4h20 par jour chez les jeunes. Sans trancher définitivement le débat médical sur l’addiction, il a évoqué des corrélations qui seraient désormais établies entre surexposition numérique, anxiété, troubles de la santé mentale et baisse des performances éducatives. Dans ce contexte, Emmanuel Macron a réaffirmé sa volonté d’interdire l’accès aux réseaux sociaux aux moins de 15 ou 16 ans, une mesure rendue possible par l’accord européen sur la vérification de l’âge. Un projet de loi sur la majorité numérique est annoncé pour le début de l’année prochaine.
Le cyberharcèlement a occupé une place centrale dans les échanges. Le président a dressé le constat d’une coopération largement insuffisante des grandes plateformes, malgré des années de dialogue et d’initiatives internationales. Selon lui, la seule réponse réellement protectrice pour les mineurs consiste désormais à couper l’accès aux réseaux sociaux, faute d’un engagement sérieux des acteurs privés dans la modération des contenus. Cette position s’inscrit dans un continuum de mesures déjà engagées, allant de la formation des enseignants à l’éloignement des harceleurs des plateformes.
Sur le terrain de la désinformation et des ingérences étrangères, Emmanuel Macron a rappelé le rôle irremplaçable de la presse libre et responsable. Il a souligné l’importance de la presse quotidienne régionale, qu’il considère comme le média le plus digne de confiance aux yeux des Français, et a défendu la nécessité de payer pour une information de qualité. Le président a également détaillé les outils juridiques existants, comme le référé électoral ou la directive européenne sur les services numériques, tout en admettant leur efficacité encore limitée face à l’ampleur des manipulations en ligne.
Il a coté l’exemple d’une fausse information annonçant un coup d’État en France, visionnée des millions de fois sans être retirée par Facebook, réseau social du contributeur du FEM, Mark Zuckerberg a illustré les failles actuelles du système.
Emmanuel Macron plaide désormais pour des sanctions financières beaucoup plus lourdes, assorties d’une possible perte d’agrément pour les réseaux sociaux qui ne coopéreraient pas. Il a également insisté sur trois priorités : la suppression des faux comptes, la transparence des algorithmes et la lutte renforcée contre les campagnes de désinformation organisées.
La rencontre a aussi permis d’aborder la question de la criminalité organisée à Marseille. Le président a souligné que les réseaux sociaux jouent un rôle croissant dans le recrutement des trafiquants et la banalisation de la violence. Il a rappelé les moyens déployés ces dernières années dans le cadre de Marseille en grand, notamment le renforcement des effectifs de police, la création d’un parquet national dédié à la criminalité organisée et le durcissement des sanctions contre les consommateurs de drogue, désormais considérés comme des acteurs indirects du narcotrafic.
Enfin, Emmanuel Macron a élargi le débat à une réflexion plus globale sur la cohésion sociale et le sentiment d’appartenance. Selon lui, les réseaux sociaux amplifient une crise du commun déjà ancienne, marquée par la solitude, la fragmentation des repères et la perte de lieux de délibération collective.
Comme lors des étapes précédentes, l’évènement semblait taillé sur mesure afin que le président puisse exprimer sa penser. Les intervenants ont demandé comment pouvaient-ils faire pour ne pas être victimes de fausses informations ou ont demandé au président d’agir. Celui-ci doit d’ailleurs annoncé une série de décisions concrètes dès le début de l’année prochaine pour protéger les enfants et les adolescents, renforcer la régulation européenne et soutenir un modèle économique viable pour la presse alors que l’ONG Civilisation Works ou le DG de Telegram Pavel Durov accusent plutôt la France de mettre en place un système de censure transnationale.