You are currently viewing Pollution plastique : cigognes et goélands déversent des centaines de kilos de déchets dans les zones humides d’Andalousie
Cigognes. Photo : @Thomas Bresson

Pollution plastique : cigognes et goélands déversent des centaines de kilos de déchets dans les zones humides d’Andalousie

En Andalousie, des milliers d’oiseaux fréquentant les décharges transportent involontairement du plastique vers des marais et lagunes protégés. Une étude menée par l’Estación Biológica de Doñana révèle l’ampleur d’un phénomène encore largement méconnu : plusieurs centaines de kilos de déchets sont ainsi dispersés chaque année dans ces écosystèmes fragiles.

Le plastique ne voyage pas seulement au gré des courants océaniques ou des vents sahariens. En Andalousie, ce sont les oiseaux eux-mêmes qui en deviennent les vecteurs, reliant d’un seul vol les décharges humaines aux zones humides classées. Cigognes blanches, goélands bruns ou leucophées effectuent quotidiennement un trajet bien rodé : se nourrir dans les vertederos puis gagner l’eau calme des marais pour digérer et se reposer. Là, ils régurgitent des pelotes contenant les éléments indigestes, parmi lesquels du plastique, du verre ou d’autres déchets anthropiques. Sans le vouloir, ils disséminent ainsi des polluants dans certains des écosystèmes les plus sensibles de la région.

À l’origine de cette découverte, plusieurs années d’étude au sein de l’Estación Biológica de Doñana. Les chercheurs, habitués à analyser la manière dont les oiseaux transportent graines ou invertébrés, ont constaté la présence récurrente de matériaux artificiels dans les pelotes et fientes examinées. L’équipe a donc entrepris de quantifier le phénomène en suivant par GPS des individus issus de trois espèces très présentes dans les décharges andalouses : le goéland brun, le goéland leucophée et la cigogne blanche. Les mouvements enregistrés, croisés avec l’analyse en laboratoire des pelotes, ont permis de mesurer avec précision les volumes transportés.

Les résultats sont spectaculaires. À la lagune de Fuente de Piedra, célèbre pour sa colonie de flamants roses, les chercheurs estiment que les goélands bruns importent environ 400 kilos de plastique par an. Cette lagune endoréique, où l’eau ne s’écoule jamais vers l’extérieur, concentre naturellement les sels… et les polluants qui y pénètrent. En hiver, des milliers de goélands venus du nord de l’Europe s’y rassemblent, amplifiant l’ampleur du phénomène.

Dans le Parc naturel de la baie de Cadix, une autre étude a permis de comparer les trois espèces. Au total, près de 530 kilos de plastique y seraient introduits chaque année, même si chacun des oiseaux joue un rôle différent. La cigogne blanche transporte davantage de plastique par individu en raison de pelotes plus volumineuses, mais c’est le goéland brun, très abondant en période hivernale, qui déplace la quantité la plus importante : environ 285 kilos annuels. Le goéland leucophée, présent toute l’année, expose quant à lui davantage les zones proches de ses colonies de reproduction. La cigogne, enfin, est la seule espèce observée rapportant du silicone, un mystère encore irrésolu.

Le lien entre la fréquence des visites aux décharges et la proximité de celles-ci apparaît évident. Plus un marais est proche d’un site d’enfouissement, plus l’accumulation de plastique y est significative. Ces dépôts involontaires ont des effets multiples. Les plastiques de grande taille peuvent provoquer étranglements, perforations ou obstructions digestives chez les oiseaux. Les fragments plus petits et leurs additifs, souvent invisibles, s’avèrent tout aussi problématiques : perturbateurs endocriniens, troubles métaboliques ou reproductifs, contamination progressive de la chaîne alimentaire à mesure que le plastique passe d’un organisme à un autre.

Pour tenter de limiter ces transferts, l’Union européenne a instauré des mesures visant à décourager la fréquentation des décharges par les oiseaux. Leur efficacité fait cependant débat, certains craignant qu’elles n’affectent les populations aviaires. Face à un problème systémique, les chercheurs rappellent qu’une solution plus accessible reste entre les mains de chacun : réduire, réutiliser et recycler les plastiques utilisés au quotidien, afin d’en limiter l’abondance à la source.

Sources :

The Conversation France – Article publié le 11/11/2025

Laisser un commentaire