Alors que la France attend la nomination d’un nouveau Premier ministre, le Rassemblement National (RN) semble se positionner comme l’acteur clé de cette décision politique. En rejetant les candidatures de personnalités telles que Xavier Bertrand et Bernard Cazeneuve, le parti dirigé par Jordan Bardella plaide pour des figures qui lui sont plus favorables, comme David Lisnard, maire de Cannes et président de l’Association des maires de France.
Emmanuel Macron est confronté à un dilemme stratégique : nommer un Premier ministre qui ne sera pas immédiatement censuré par le groupe RN à l’Assemblée nationale. Le RN, qui détient désormais 126 sièges (142 en comptant les élus alliés d’Éric Ciotti), constitue une force significative qui pourrait jouer un rôle décisif dans l’approbation ou la censure d’un nouveau chef de gouvernement.
Lors d’une récente intervention sur LCI, Sébastien Chenu, vice-président du RN, a déclaré : » Nous voterions une censure immédiate face à un Premier ministre issu du Nouveau Front populaire « , ainsi qu’à l’encontre de Bernard Cazeneuve ou Xavier Bertrand. Cette déclaration intervient après des rumeurs d’un entretien entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Le RN considère que nommer ces personnalités serait « un manque de respect envers les millions de Français qui se sont exprimés dans les urnes. »
Alors que l’hypothèse de la nomination de Michel Barnier prenait de l’ampleur, l’ancien ministre du contributeurs de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Edouard Balladur, a du faire face lui aussi face à une opposition de la part des députés du Rassemblement National, qui le critiquent comme étant une figure du passé, sortie de « Jurassic Park« , comme l’a indiqué le président délégué du groupe RN à l’Assemblée Jean-Philippe Tanguy sur France Inter. Sur BFMTV, Sébastien Chenu a déclaré que » Michel Barnier ne fait rêver personne « , que ce n’est pas la » ligne politique du RN », mais qu’« il est plutôt respectueux vis-à-vis du RN ».
En février dernier, Michel Barnier, alors en pleine campagne pour les élections européennes, avait pourtant accordé une interview au site Euroactiv dans laquelle il affichait une position ferme contre l’extrême droite. Il y déclarait n’avoir » aucune complaisance » ni » aucune faiblesse » face au Rassemblement National (RN), martelant son refus catégorique d’alliance. Barnier dénonçait également l’ » opportunisme électoral « de Marine Le Pen.
Un an plus tôt, lors d’une intervention sur France Culture, Barnier maintenait le même discours. Il rappelait son ancrage dans le mouvement gaulliste et évoquait » la violence » de l’extrême droite française envers le général de Gaulle et le gaullisme. Il soulignait qu’il n’y avait » aucune faiblesse, aucune compromission possible « avec ce camp. Favori pour le poste, il suscite des réactions mitigées du côté du RN.
Les éxigences du RN pour éviter une censure Immédiate
Le RN, conscient que le président Macron ne nommerait pas un Premier ministre issu de ses rangs, a formulé plusieurs exigences pour éviter une censure immédiate. Parmi ces conditions figurent la nomination d’une personnalité « qui respecterait les oppositions », particulièrement le RN, et qui s’attaquerait sérieusement aux questions de l’immigration, de l’insécurité, et du pouvoir d’achat des Français. En outre, le RN souhaite que le nouveau chef de gouvernement soit prêt à « ouvrir le dossier de la proportionnelle », comme la confirmé ce matin sur le plateau de BFMTV le député RN du Gard, Yoann Gillet.
Sébastien Chenu a évoqué trois noms qui répondraient à ces critères : François Bayrou, président du MoDem ; Jean-Louis Borloo, ancien ministre de l’UDI ; et David Lisnard, maire LR de Cannes. Ce dernier semble avoir une longueur d’avance dans les discussions actuelles.
Une option technique pour sortir de l’impasse
Le RN a également suggéré qu’il pourrait accepter un « gouvernement technique » dont le mandat serait limité à l’expédition des affaires courantes et à la mise en place d’une réforme électorale introduisant la proportionnelle aux législatives. Cette option pourrait permettre de dégager une majorité stable d’ici un an, bien que toute nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale ne soit pas envisageable avant l’été 2025.
Pourquoi le RN est-il l’arbitre de la situation ?
Le Rassemblement National se retrouve en position d’arbitre en raison de son poids parlementaire significatif. Avec le plus grand groupe à l’Assemblée nationale, le RN pourrait, en s’associant aux députés de la majorité présidentielle, dépasser le seuil de la majorité absolue de 289 parlementaires. Cette situation place Emmanuel Macron dans une position où il doit s’assurer du soutien du parti de Jordan Bardella pour toute nomination de Premier ministre. À l’inverse, il semble peu probable qu’il obtienne le soutien de la gauche.
En choisissant une personnalité issue de la droite républicaine, Macron pourrait également s’assurer du soutien du groupe du Young Leader de la Fondation France-Amérique, Laurent Wauquiez, renforçant ainsi une coalition de centre-droit au Parlement.
Avec les tractations politiques en cours et les différents scénarios envisagés, la nomination d’un nouveau Premier ministre pourrait intervenir dans les heures à venir. Le Rassemblement National, en jouant les arbitres, se trouve au centre de cette décision cruciale qui pourrait définir l’avenir politique de la France dans les mois à venir.