Dans un entretien accordé au Point, Nicolas Sarkozy provoque une onde de choc politique en comparant Jordan Bardella au RPR de Jacques Chirac. L’ancien président plaide pour une normalisation du Rassemblement national et assume sa rupture avec le front républicain, esquissant les contours d’une recomposition profonde de la droite française.
La sortie est spectaculaire et lourdement symbolique. Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, compare Jordan Bardella au RPR de Jacques Chirac, estimant que le discours du président du Rassemblement national « n’est pas très différent » de celui tenu par la droite chiraquienne. Une déclaration qui, au-delà de l’effet de manche, contribue à légitimer un peu plus le RN dans le jeu politique et à nourrir l’idée d’une possible « union des droites ».
Dans un entretien fleuve accordé à Franz-Olivier Giesbert publié par le Point le 9 décembre, Nicolas Sarkozy dresse un constat alarmiste de la situation politique et sociale du pays. « La situation est grave », affirme-t-il, allant jusqu’à évoquer une France « à la veille d’un changement de régime ». Selon lui, « les conditions d’une explosion ont rarement été à ce point réunies », une analyse nourrie par ce qu’il décrit comme une crise identitaire profonde.
L’ancien chef de l’État, qui publie Journal d’un prisonnier aux éditions Fayard, revient également sur son récent séjour de trois semaines à la prison de la Santé, consécutif à sa condamnation dans le cadre de l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. Il y raconte avoir beaucoup prié et s’être rendu à Lourdes après sa libération, inscrivant son récit personnel dans une réflexion plus large sur les racines spirituelles du pays.
Sur le fond idéologique, Nicolas Sarkozy estime que « la France est en danger » et que son « identité judéo-chrétienne » est aujourd’hui « piétinée ». Il juge que la laïcité, telle qu’elle est pratiquée, « n’est pas une réponse suffisante à un islam conquérant » et fustige le silence de l’Église catholique, estimant que « les évêques rasent trop souvent les murs ». Il dénonce un deux poids deux mesures, évoquant les polémiques autour des symboles religieux chrétiens contrastant, selon lui, avec l’acceptation de pratiques liées à l’islam dans l’espace public.
C’est toutefois sur le terrain politique que ses propos suscitent le plus de réactions. Interrogé sur l’appartenance du Rassemblement national à l’arc républicain, Nicolas Sarkozy juge la question « étrange ». « Si l’on considère que le Parti communiste et La France insoumise sont républicains, je ne vois pas pourquoi le RN ne le serait pas », affirme-t-il. Il va plus loin en révélant avoir promis à Marine Le Pen de ne plus s’associer au front républicain, une rupture assumée qu’il dit prêt à rendre publique.
L’ancien président décrit par ailleurs un RN structuré autour de « deux ailes ». L’une, incarnée par Jordan Bardella, lui évoque le RPR des années Chirac. L’autre, portée par Marine Le Pen, resterait fidèle au « canal historique » du parti, avec un projet économique qu’il juge « plus proche de celui de LFI que de LR ». Une analyse qui tend à distinguer une ligne jugée plus compatible avec la droite classique d’une autre perçue comme idéologiquement plus hétérodoxe.
Pour Nicolas Sarkozy, l’avenir de la droite républicaine passe par une remise en question radicale. « L’avenir de ma famille politique passe par une rupture avec son confort, ses habitudes et une partie de son histoire », écrit-il. Il plaide pour un rassemblement « sans exclusive et sans anathème », condition qu’il estime indispensable à toute reconstruction crédible.
S’il exclut toute candidature à l’élection présidentielle de 2027, rappelant son inéligibilité, Nicolas Sarkozy entend néanmoins jouer un rôle inédit dans cette recomposition. Son regard critique s’étend également à Emmanuel Macron, qu’il compare à « un médecin qui a voulu accompagner le virus au lieu de le combattre », suggérant que le macronisme aurait favorisé, plutôt qu’endiguer, les dérives qu’il dénonce aujourd’hui.
En comparant Jordan Bardella à Jacques Chirac et en normalisant le RN, Nicolas Sarkozy franchit un seuil politique majeur. Ses propos actent un déplacement du centre de gravité de la droite française et contribuent à redessiner, à droite de l’échiquier, les lignes d’un possible bouleversement durable.
Sources :
RMC – 10 décembre 2025 – https://www.rmc.fr
Le Point – décembre 2025 – https://www.lepoint.fr