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Nazis et économie : Le système financier derrière la machine de guerre hitlérienne

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Dès son accession au pouvoir en 1933, Adolf Hitler place l’économie allemande au service de ses ambitions guerrières. Le nazisme n’est pas seulement une idéologie raciale ; il repose également sur une structure économique sophistiquée et immorale, basée sur la manipulation monétaire, le pillage et la spoliation. Cet article plonge dans les mécanismes économiques qui ont permis au Troisième Reich de financer son effort de guerre, parfois avec l’aide des milieux économiques étrangers, tout en analysant les conséquences sociales et morales de ces choix.

Dès 1933, Hitler déclare ses intentions : réarmer l’Allemagne, briser le traité de Versailles et préparer une expansion territoriale à l’Est. Pourtant, l’état de l’économie allemande est désastreux. La Grande Dépression a laissé le pays exsangue, avec 6 millions de chômeurs et une dette étrangère écrasante.

Pour contourner les limitations imposées par le traité de Versailles, le ministre de l’Économie, Hjalmar Schacht, conçoit un système financier innovant : les bons MEFO. Ces reconnaissances de dette, émises par une société fictive, permettent de financer secrètement le réarmement. Ce dispositif relance l’économie sans provoquer d’inflation immédiate, tout en dissimulant les intentions bellicistes de l’Allemagne.

Hitler : Un train de vie luxueux plus que bohème

Malgré l’image d’un leader frugal, Adolf Hitler menait une existence confortable. Dès les années 1920, il disposait d’un style de vie privilégié : Mercedes luxueuses, appartements somptueux à Munich et Berlin, et une retraite dans les Alpes bâtie à grands frais, le Berghof.

Son enrichissement personnel a été permis par ses revenus éditoriaux. Les ventes de son livre Mein Kampf, devenu un best-seller après son accession au pouvoir en 1933, généraient des revenus astronomiques. En une année, il déclarait des revenus atteignant 1,2 million de Reichsmarks. Pourtant, Hitler minimisait ces montants dans ses déclarations fiscales, allant jusqu’à éviter tout paiement d’impôts. En 1934, il obtint une exonération totale grâce à l’intervention du directeur des impôts de Munich.

Ce train de vie a également été financé, avant même son arrivée au pouvoir, par une caisse noire et les dons de riches industriels comme Fritz Thyssen ou Gustav Krupp, et même par des figures internationales, dont Henry Ford, le célèbre constructeur automobile antisémite. Les entreprises allemandes, comme celles de Krupp, étaient de fidèles contributrices, espérant des contrats d’armement lucratifs en retour. Ces contributions alimentaient non seulement les finances du parti nazi, mais également le faste personnel du « roi de Munich ».

Industrie et nazisme : une alliance pragmatique

Le réarmement devient vite le moteur de l’économie allemande. Krupp, Siemens ou IG Farben profitent des commandes massives d’armement. Les industriels et le régime se rapprochent toujours plus, portés par des intérêts mutuels : l’un pour la production, l’autre pour la guerre. La militarisation est présentée comme un processus collectif de modernisation. Le nazisme réorganise toute la société autour de sa vision guerrière.

Le régime impose un contrôle strict sur la population. Les libertés syndicales sont abolies, les salaires bloqués, et les travailleurs sont encadrés par le Front Allemand du Travail. Cette organisation, reflet du « Führerprinzip », renforce l’autorité patronale et supprime toute contestation.

L’accélération de la production sous Göring

Alors que Schacht met en garde contre des risques de surchauffe de l’économie, il est remplacé par Göring, partisan du réarmement à l’extrême, qui multiplie par huit la production d’obus. Il lance un grand programme de l’autosuffisance, produisant par exemple de l’acier, du caoutchouc et du carburant synthétiques extrêmement coûteux. L’acier allemand coûtait par exemple trois fois plus cher que son homologue roumain.

Spoliations et pillages : l’économie de la prédation

D’un point de vue économique, l’autonomie n’est pas une solution rationnelle, et l’expansion territoriale nazie s’accompagne d’un pillage systématique des ressources des pays occupés. En Pologne, en France ou en URSS, le Reich confisque matériel militaire, denrées alimentaires, métaux précieux et capitaux financiers. Un tiers des dépenses de guerre allemandes est financé par ces prélèvements forcés.

Les Juifs d’Europe deviennent une cible privilégiée de la spoliation. Dès 1938, le régime confisque leurs biens, tout en les soumettant à une taxation confiscatoire. La nuit de Cristal marque une étape clé : les Juifs sont tenus responsables des destructions et doivent payer une amende colossale. Cette politique de vol est présentée comme légitime, nourrie par une propagande antisémite virulente.

En 1938, un bureau de l’émigration des Juifs a été créé en Autriche afin de taxer les Juifs désireux de partir. Un tel bureau sera ouvert l’année suivante à Berlin. Les collections d’art issues de ces exactions furent notamment entreposées dans des mines pour les protéger des bombardements alliés. Hitler et Hermann Göring volent des milliers d’œuvres d’art. Ce dernier aurait notamment volé plus de 1 375 tableaux.

Le travail forcé : pilier de l’effort de guerre

Pour compenser le manque de main-d’œuvre, le Troisième Reich déploie une politique massive de travail forcé. Entre 1940 et 1945, environ 13 millions de travailleurs étrangers, prisonniers de guerre et déportés sont réquisitionnés pour l’industrie allemande. Les conditions de vie sont inhumaines, et la productivité est souvent obtenue au prix d’une exploitation brutale.

Paradoxalement, la logique raciale du nazisme entre en conflit avec ses besoins économiques. Les camps d’extermination, conçus pour l’élimination des Juifs, privent l’économie de travailleurs qualifiés. Cependant, cette contradiction est surmontée par une vision comptable de la vie humaine, où la mort devient une variable économique. Dans les camps de concentration, les nazis nourrissent mieux les travailleurs les plus productifs.

Hitler a demandé à Himmler de mettre en place un plan général pour l’Est, se basant sur la conviction de la supériorité germanique sur les Slaves et sur l’idée que ces régions sont occupées par des bouches inutiles.

L’épargne des Allemands

Durant la guerre, les salaires allemands atteignent des niveaux tout à fait acceptables, mais beaucoup de biens de consommation n’étaient plus fabriqués, ce qui pousse les citoyens à épargner. Les nazis feront appel à plusieurs reprises à cette épargne pour financer l’effort de guerre et ainsi alimenter le système qu’ils avaient créé.

Une économie vouée à l’effondrement

Succédant à Fritz Todt au poste de ministre de l’armement du IIIe Reich en 1942, Albert Speer est promu Ministre de la Production de guerre, parvenant à augmenté la productivité à des niveaux inégalés jusque-là. S’il revendique un miracle, il se sera surtout appuyé sur le travail de son prédécesseur. Malgré ses efforts de rationalisation, l’économie allemande montre toutefois ses limites.

Les bombardements alliés, la surmobilisation des ressources et l’invasion de l’URSS mettent toutefois à mal la machine de guerre nazie. Les « armes miracles », comme les V1 et V2, sont trop coûteuses et insuffisantes pour inverser le cours de la guerre. Les grandes entreprises allemandes, sentant le vent tourner, enregistrent leurs brevets à l’étranger, bien souvent à Stockholm, en Suède.

Le 8 mai 1945, le Reich capitule, laissant derrière lui une économie exsangue, marquée par l’hyperinflation et le chaos. Les acquis industriels, bien qu’impressionnants, sont entachés par leur origine : une économie construite sur le sang, le vol et la destruction.

Le soutien suisse

La machine de guerre allemande fonctionnait par l’intermédiaire de la prédation, mais elle était extrêmement vorace, et l’économie allemande se serait sans doute effondrée plus tôt si elle n’avait pas profité du soutien suisse. En regardant une carte de l’époque, on constate que la République alpine était entourée de pays contrôlés par les nazis. Nos voisins en ont tiré une fierté, se présentant comme un petit hérisson capable de résister à Hitler, mais la réalité était sans doute moins reluisante.

En 1946, lors du procès de Nuremberg, Walter Funk, ministre de l’Économie du Reich, déclara que la Suisse était le seul pays à accepter l’or nazi en échange de devises étrangères. Cette coopération a permis au régime d’Hitler de contourner les embargos alliés, renforçant ainsi son effort de guerre. Entre 1940 et 1945, près de 345 tonnes d’or nazi ont été échangées via la BNS, soit l’équivalent actuel de 84 milliards d’euros.

Des archives montrent que les responsables de la BNS savaient que cet or provenait souvent de pillages dans les pays occupés ou même de biens spoliés à des victimes de l’Holocauste. Pourtant, aucune vérification sur l’origine des lingots n’a été exigée, ce qui soulève des questions éthiques majeures.

La Suisse a également joué un rôle clé dans un système de commerce triangulaire : l’or allemand était échangé contre des francs suisses, lesquels étaient ensuite utilisés pour acquérir des matières premières vitales comme le tungstène au Portugal. Ce métal, essentiel pour l’armement, a permis à l’Allemagne de maintenir son effort militaire malgré le blocus allié.

Bien que la BNS ait cessé officiellement ses transactions avec la Reichsbank en mars 1945, un dernier achat d’or a été réalisé quelques semaines avant la chute du régime nazi.

Après la guerre, les Alliés ont exigé des comptes à la Suisse. En 1946, un accord fut signé à Washington, imposant une amende de 250 millions de francs suisses. Ce montant, considéré comme dérisoire, a permis à la Suisse de clore juridiquement le dossier tout en évitant des sanctions plus lourdes.

L’économie nazie représente une des périodes les plus sombres de l’histoire économique mondiale. Elle a permis un réarmement rapide et une mobilisation massive des ressources, au prix d’une exploitation humaine et d’une violence systématique. Hitler ne serait sans doute pas arrivé au pouvoir sans le soutien des milieux d’affaires et des fonds provenant même de l’étranger après son arrestation. Enfin, la guerre aurait sans doute duré moins longtemps sans le soutien helvétique, mais il s’agit là d’histoire fiction.

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