Un rapport accablant de l’ONU pointe la responsabilité des dirigeants sud-soudanais dans la misère qui ravage le pays. Selon les experts, plusieurs milliards de dollars de revenus pétroliers auraient été détournés au profit des élites, alors que plus des deux tiers de la population survivent grâce à l’aide humanitaire.
Le constat est sans appel. Dans un rapport publié mardi 16 septembre, la Commission de l’ONU sur les droits de l’homme au Soudan du Sud accuse les autorités du plus jeune État du monde d’avoir orchestré un « pillage de la nation ». Les termes employés par les experts onusiens — « prédation rapace », « corruption rampante », « négligence délibérée » — traduisent la gravité d’une situation où les dirigeants se seraient accaparé les ressources du pays au détriment de leurs concitoyens.
Entre 2011, année de l’indépendance, et décembre 2024, le Soudan du Sud a engrangé près de 25,2 milliards de dollars de revenus liés au pétrole. Mais, loin de financer les services publics ou les infrastructures, cette manne aurait été largement détournée. Résultat : 69 % des 13,4 millions d’habitants dépendent aujourd’hui de l’aide humanitaire, selon l’ONU. Les salaires des fonctionnaires ne sont plus versés régulièrement, les écoles et hôpitaux restent sous-financés, et la majorité des régions demeure plongée dans la pauvreté.
Au cœur des accusations figure Benjamin Bol Mel, homme d’affaires de 47 ans et actuel second vice-président. Décrit comme proche du président Salva Kiir, il est déjà sous sanctions américaines depuis 2017. Selon les experts, il aurait bénéficié d’énormes contrats dans le cadre du programme « Oil for Roads » (« pétrole contre routes »), officiellement destiné à financer des autoroutes. Mais sur les 2,2 milliards de dollars débloqués entre 2021 et 2024, seuls 5 % des travaux auraient été réalisés, tandis que 1,7 milliard de dollars aurait été détourné pour alimenter des réseaux de clientélisme politique.
Le rapport souligne que la corruption s’étend à tous les niveaux. Des sociétés liées au pouvoir, comme Crawford Capital, conserveraient jusqu’à 75 % des recettes fiscales qu’elles sont censées collecter pour l’État. Parallèlement, la manipulation du taux de change de la livre sud-soudanaise, le détournement de cargaisons pétrolières et le dépassement massif des budgets présidentiels achèvent de miner l’économie nationale.
Pour l’ONU, la corruption n’est pas un accident de parcours mais bien « le moteur de la crise du Soudan du Sud ». Elle alimente la guerre civile larvée, paralyse les institutions et maintient la population dans une extrême pauvreté, alors que le pays, indépendant depuis à peine quatorze ans, devait incarner un espoir de stabilité et de développement en Afrique de l’Est.
Sources :
Le Monde – Au Soudan du Sud, l’ONU dénonce le « pillage de la nation » par les élites au pouvoir – 16 septembre 2025 –