Dans un rapport publié mercredi, la Défenseure des droits dénonce un ensemble d’atteintes aux droits des mineurs tout au long de leur parcours judiciaire. Conditions de détention dégradées, manque de moyens éducatifs, remise en cause du régime spécifique des mineurs : l’autorité indépendante appelle à une refonte urgente de la justice pénale des enfants.
C’est un constat sévère que pose la Défenseure des droits, Claire Hédon, épaulée par le Défenseur des enfants, Éric Delemar. Dans leur rapport annuel consacré aux droits des enfants, ils alertent sur une série d’entorses majeures au traitement judiciaire réservé aux mineurs en France. Au cœur de cette dénonciation, un principe martelé : « un enfant, ou un adolescent, n’est pas un adulte ». Un rappel fondamental dans un moment où la justice des mineurs traverse un tournant préoccupant.
Le rapport souligne que la privation de liberté, loin d’assurer la réinsertion des jeunes concernés, tend au contraire à fragiliser davantage des profils déjà vulnérables. Les dispositifs censés accompagner les mineurs – qu’il s’agisse de la protection judiciaire de la jeunesse ou de la protection de l’enfance – souffrent d’un manque de moyens qui compromet leur efficacité. Les auteurs évoquent « des conditions indignes de vie » dans les établissements pénitentiaires pour mineurs et « une absence de cadre éducatif solide », à commencer par un volume insuffisant d’heures de cours.
Cette carence éducative va de pair avec un déficit d’information sur leurs droits, et une absence de prise en compte de leur vulnérabilité tout au long de la procédure pénale. Une critique d’autant plus marquante que la France s’était dotée depuis l’ordonnance de 1945 d’un système spécifique pour les mineurs, réaffirmé en 2021 dans le Code de la justice pénale des mineurs (CJPM). Or, selon la Défenseure des droits, ce cadre est aujourd’hui « remis en cause », notamment après l’adoption de la loi Attal, qui visait à durcir le traitement des mineurs délinquants avant que plusieurs de ses articles ne soient censurés par le Conseil constitutionnel.
Claire Hédon et Éric Delemar appellent à renouer avec la vocation première de la justice des mineurs : éduquer, protéger et prévenir la récidive, plutôt que renforcer l’arsenal répressif. « Répondre à la délinquance des mineurs par l’éducation et la prévention », écrivent-ils, reste selon eux la seule voie pour éviter de reproduire les mécanismes d’exclusion et de défiance.
Le rapport s’appuie sur une consultation d’ampleur : plus de 80 structures, institutions et associations sollicitées, et un recueil de la parole de plus de 1 600 jeunes âgés de 6 à 25 ans. De cette enquête émergent 25 recommandations fortes, dont deux propositions centrales : inscrire dans la loi la non-responsabilité pénale des mineurs de moins de 13 ans et créer un code de l’enfance qui unifierait les principes directeurs du droit des mineurs.
L’institution appelle également à renforcer la prévention du décrochage scolaire, le soutien à la parentalité et l’effectivité des cours d’enseignement moral et civique, estimant que la construction d’un cadre éducatif solide constitue la meilleure réponse à long terme à la délinquance juvénile.
Dans un climat politique où monte la tentation du durcissement, le rapport de la Défenseure des droits se présente comme un rappel essentiel : sans moyens éducatifs, sans protection renforcée et sans cadre juridique cohérent, la justice des mineurs risque de perdre ce qui en fait la spécificité et, surtout, son efficacité.
Sources :
Le Parisien – Conditions « indignes », manque de moyens, absence de cadre éducatif solide : l’alerte de la Défenseure des droits sur les mineurs détenus (19 novembre 2025).