Le criminologue et ancien Grand Maitre du Grand Orient, Alain Bauer vient de publier Déclinocène le 15 octobre 2025 aux éditions Fayard. Cet ouvrage poursuit son vaste projet entamé avec La globalisation piteuse, une série en six tomes consacrée aux bouleversements de notre temps. Ce quatrième volume se veut une analyse du “temps du déclin”, une époque où toutes les crises – écologique, économique, morale, sanitaire, sociale ou sécuritaire – ne se succèdent plus, mais se cumulent.
« Nous avons connu des crises successives : l’une s’achevait avant que la suivante ne commence. Désormais, elles se superposent toutes et aucune ne se termine », a expliqué Bauer dans une interview au Figaro. Cette idée, qu’il rapproche de la « guerre totale » décrite par Clausewitz, structure tout l’ouvrage. Le Déclinocène, c’est cette ère inédite où les chocs mondiaux s’additionnent sans répit, épuisant la capacité d’analyse et de résilience des sociétés.
Bauer revendique une « neutralité axiologique » : décrire le réel sans passion, avec la rigueur du chercheur. Pourtant, ce réel, dit-il, est aujourd’hui massivement rejeté. « Le Covid a tué la réalité », affirme-t-il. Selon lui, la pandémie a achevé d’effacer le principe de vérité dans le débat public : politiciens, médias et pseudo-experts ont contribué à installer un climat de défiance généralisée où toute parole devient suspecte et où les faits eux-mêmes sont contestés.
De la fin du mois à la fin du monde
Sous-titré Sauver les humains ou la planète ?, Déclinocène s’attaque au dilemme contemporain entre urgence sociale et urgence climatique. Bauer refuse de choisir : « On ne peut vouloir sauver l’humanité en sacrifiant les humains », écrit-il. Pour lui, la radicalisation des deux camps – les « ultra-écologistes » d’un côté et les partisans du « business as usual » de l’autre – condamne toute action concertée et nous mènent dans le mur.
Ce constat rejoint sa réflexion sur la fracture générationnelle. Dans Déclinocène, il oppose les « Boomers », accusés d’avoir épuisé la planète, et les « Doomers », jeunes générations persuadées d’être condamnées par l’effondrement à venir. Entre eux, le dialogue serait rompu. « Seront-ils capables de se parler pour se sauver ? » demande l’auteur.
L’échec du « marché des idées »
Pour Bauer, cette incapacité à débattre rationnellement s’explique par un phénomène qu’il nomme l’« échec du marché des idées ». Les sociétés modernes sont saturées d’opinions, mais dépourvues de processus de vérification. Le doute méthodique s’est mué en scepticisme systématique ; la recherche de la vérité a cédé la place à la relativité absolue. « Même si l’océan entrait en ébullition, les climatosceptiques n’y croiraient pas », estime-t-il.
Dans l’interview accordée au Figaro, Bauer déplore également « l’inculture scientifique considérable » des responsables politiques, notamment dans le domaine de l’énergie. Il ironise sur les revirements successifs de la politique nucléaire française : « Certains pensent qu’il suffit d’appuyer sur un bouton pour rallumer Fessenheim ». Ce déficit de compréhension technique, selon lui, compromet toute stratégie écologique crédible.
Croissance maîtrisée et refus du dogmatisme
L’un des chapitres les plus discutés du livre s’intitule « Croissance ou décroissance ? ». Bauer y défend la voie d’une « croissance maîtrisée ». Il rejette les positions extrêmes : ni productivisme aveugle ni décroissance punitive. « On ne peut pas interdire les voitures du jour au lendemain sans alternative réaliste », déclare-t-il. Il plaide pour une transition pragmatique, fondée sur la cohérence et non sur les slogans : « Ce n’est pas de la science, c’est un culte », tranche-t-il à propos des idéologies écologiques ou productivistes.
Cette posture s’inscrit dans une approche globale. Bauer analyse la crise contemporaine à travers quatre dimensions – environnementale, économique, géopolitique et éthique – qu’il articule comme un tout. Son ambition n’est pas de prophétiser la fin du monde, mais de rendre intelligible un présent fragmenté : « Je ne suis pas pour la fin du monde, je suis pour la fin de l’anthropocène consommateur », précise celui qui a tout de même choisi d’illustrer son livre par une image de l’Arche de Noé.
Ces dernièrs jours, Alain Bauer a écumé les plateaux de télévision, comme il a l’habitude le faire. Interrogé sur le fait que le cambriolage du Louvre serait un signe de déclin, l’ancien Grand Maîtrre du Grand Orient estime que cet éèvenemnt est « honteux », mais que ce qui est le plus terrible, « c’est les explications depuis : c’est un concours invraisemblable d’excuses ».
Déclinocène. Alain Bauer. Fayard. Octobre 2015.