À Libourne, une enseignante de 42 ans a été condamnée à un an de prison avec sursis probatoire pour avoir fabriqué de fausses menaces de mort et de viol à son encontre. Présentée comme victime pendant plusieurs mois, elle a finalement été confondue par les enquêteurs après l’envoi d’un SMS anonyme… qu’elle avait elle-même rédigé.
Le tribunal correctionnel de Libourne (Gironde) a rendu mardi 14 octobre un verdict aussi sévère que symbolique. Nadia K., 42 ans, professeure au lycée Jean-Monnet de Libourne, a été reconnue coupable de dénonciation mensongère et d’escroquerie pour avoir inventé les menaces de mort dont elle prétendait être victime. L’affaire, qui a ému l’Éducation nationale et mobilisé d’importants moyens d’enquête pendant près d’un an, s’est révélée être une vaste supercherie.
Des lettres de menaces glaçantes
Tout commence le 4 décembre 2023. Une première lettre manuscrite, remplie d’insultes racistes et de menaces de mort, est retrouvée dans le hall du lycée. On peut y lire notamment : « Les Arabes du lycée, on doit les tuer. Je vais les saigner comme les cochons de mon grand-père. »
Deux autres lettres sont découvertes les 10 septembre et 12 novembre 2024, glissées sous la porte de la salle de classe de la professeure : « Nadia K. à mort », pouvait-on lire. Les courriers, d’une violence extrême, provoquent l’effroi parmi les enseignants et les élèves. Le rectorat de Bordeaux accorde alors à la professeure la protection fonctionnelle, mobilisant gendarmes et caméras de surveillance pour assurer sa sécurité.
Le SMS qui fait tout basculer
Mais le 10 avril 2025, une élève de terminale reçoit un SMS anonyme contenant des menaces visant directement la professeure : « La pute revient lundi, elle doit être plantée. Je suis dingue de cette sale arabe. » L’enquête établit rapidement que le message a été envoyé depuis une carte SIM Lycamobile prépayée, achetée dans un bureau de tabac de Libourne. En visionnant les images de vidéosurveillance, les gendarmes découvrent… Nadia K. elle-même en train d’acheter la carte.
Placée en garde à vue le 29 avril 2025, l’enseignante finit par reconnaître avoir rédigé et envoyé le SMS, tout en niant être l’auteure des lettres. Devant le tribunal, elle s’effondre : « J’étais à un point de non-retour. Je voulais que l’enquête continue, qu’on ne m’oublie pas », a-t-elle expliqué, en larmes.
Des expertises contradictoires mais un faisceau d’indices accablant
Deux analyses graphologiques, commandées durant l’instruction, ont donné des résultats divergents : l’une concluait à de fortes similitudes entre son écriture et celle des lettres, l’autre relevait des différences. Mais pour la présidente du tribunal, Laëtitia Dautel, les éléments matériels restaient décisifs : la présence concomitante de la professeure dans le lycée lors de la découverte des courriers, la correspondance du style et du vocabulaire entre le SMS et les lettres, et surtout, la vidéo qui la montre achetant la carte SIM.
« Vous avez reconnu être l’auteure du SMS. On retient la concordance du contenu avec les lettres, et la concomitance de votre présence dans l’établissement », a rappelé la magistrate. Le procureur de la République, Loïs Raschel, a dénoncé « un gigantesque mensonge » et une manipulation « préparée et méthodique ».
Une sanction exemplaire
Le tribunal a condamné Nadia K. à un an de prison avec sursis probatoire de deux ans, assorti d’une obligation de soins, d’une interdiction d’enseigner pendant cinq ans et d’une amende de 5 000 euros. Elle ne pourra plus paraître au lycée Jean-Monnet. À l’annonce du jugement, la professeure s’est évanouie, avant de murmurer : « Ce métier, c’est toute ma vie. »
Une audience civile prévue en décembre devra évaluer les dommages réclamés par le Trésor public et le rectorat de Bordeaux, qui s’était constitué partie civile.
Cette affaire, à la fois troublante et tragique, rappelle combien les institutions peuvent être ébranlées par des dénonciations mensongères — surtout dans un contexte de tension accrue autour de la sécurité des enseignants.
Sources :
Le Figaro – « Je n’ai jamais écrit ces lettres » : en Gironde, une enseignante condamnée pour avoir inventé des menaces de mort contre elle-même – 15 octobre 2025 – https://www.lefigaro.fr/bordeaux
France Bleu Gironde – Libourne : une enseignante condamnée pour avoir inventé de fausses menaces de mort – 15 octobre 2025 – https://www.francebleu.fr
Sud Ouest – Libourne : un an de prison avec sursis pour la professeure qui avait inventé les menaces de mort – 16 octobre 2025 – https://www.sudouest.fr
France 3 Nouvelle-Aquitaine – Libourne : l’enseignante qui s’était dit menacée condamnée pour dénonciation mensongère – 16 octobre 2025 – https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine