Depuis plus d’une décennie, Conspiracy Watch, le média fondé par Rudy Reichstadt, s’impose comme un acteur clé dans la lutte contre le « complotisme ». Mais derrière cette posture d’expertise autoproclamée, une enquête de Rechecking intitulée « Le business très lucratif de Conspiracy Watch » révèle des financements publics opaques et une influence croissante au sein des institutions françaises et des plateformes numériques.
Dans les médias traditionnels, Rudy Reichstadt est présenté comme un spécialiste reconnu du conspirationnisme, régulièrement invité sur les plateaux télévisés et sollicité par les institutions publiques. Pourtant, comme le souligne Rechecking, cette expertise est loin d’être scientifiquement validée.
Dans les colonnes de nos confrères des chercheurs, comme Julien Giry ou Coralie Le Caroff, dénoncent une approche biaisée et peu rigoureuse, où Conspiracy Watch impose son propre cadrage du débat, sans recherche académique approfondie. L’article de Rechecking met également en lumière le rôle politique de l’organisation, qui bénéficie d’un accès privilégié aux instances gouvernementales. Conspiracy Watch est consulté régulièrement par les ministères de l’Intérieur et de l’Éducation nationale, le site participe à la Commission Bronner sur la lutte contre la désinformation et a collaboré avec Twitter, avant son rachat par Elon Musk et TikTok, le réseau social membre du Forum économique mondial, pour le signalement de contenus.
Selon Recheking, cet ancrage institutionnel lui confère une influence disproportionnée dans la définition de ce qui est considéré comme « complotiste », avec des risques de censure et de marginalisation de certaines opinions.
Rudy Reichstadt, un parcours commun
D’autant plus que le parcours de Rudy Reichstadt n’en fait pas un spécialiste, lui qui est passé par l’Institut d’étude de sciences politiques d’Aix-en-Provence, avant de devenir chef de bureau des affaires financières au sein de la direction de la jeunesse et des sports de la mairie de Paris, durant les mandats du Franc-maçon, Bertrand Delanoë (Grand Orient de France) et de la contributrice de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Anne Hidalgo. Après avoir fondé Conspiracy Watch en 2007, , il sera toutefois soutenu par l’historien Pierre-André Taguieff, spécialiste des mythes entourant le « complot judéo-maçonnique » et par le contributeur du FEM, Bernard Henri Lévy qui lui a proposé de participer à sa revue et au séminaire La Règle du jeu.
Des financements publics conséquents et peu transparents
L’un des points clés soulevés par l’enquête de Rechecking concerne les subventions publiques massives perçues par Conspiracy Watch, souvent justifiées par des motifs flous. Selon les données budgétaires officielles, l’organisation bénéficie d’au moins 130 000 euros par an, répartis comme suit : 30 000 €/an de la DILCRAH pour l’émission YouTube Les Déconspirateurs, 60 000 €/an du Fonds Marianne, sous prétexte de lutte contre la radicalisation, 20 000 € en 2019 et 2021 du ministère de la Culture pour des projets d’éducatio, 75 000 € entre 2020 et 2022 pour organiser un concours international de dessin contre le négationnisme, dont les traces sont quasi inexistantes après 2020.
L’article de Rechecking met en évidence que Conspiracy Watch a longtemps dissimulé ces subventions, affirmant sur son site ne recevoir aucun financement public. Cette omission délibérée, corrigée en 2022 après des révélations médiatiques, alimente le doute sur la véritable indépendance financière de l’organisation.
Nos confrères questionne également le fait que Conspiracy Watch n’ait pas été inquiété après les révélations liées au fonds Marianne et ses financements « de contenu politique qui critique des opposants à Emmanuel Macron en période électorale ».
Un média au service du pouvoir ?
L’enquête de Rechecking montre en effet que Conspiracy Watch tend à discréditer systématiquement les opposants politiques du gouvernement du contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Emmanuel Macron, en les qualifiant de complotistes. Parmi les cibles régulières du site figurent Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et plusieurs médias indépendants.
Cette orientation éditoriale interroge : Conspiracy Watch est-il un véritable observatoire indépendant ou un outil de propagande soutenu par l’État ?
Recheking prend pour exemple, une vidéo des Déconspirateurs, publié deux semaines avant les dernières élections présidentielles, dans laquelle Rudy Reichstadt, s’insurgeait d’un soi-disant « procès en illégitimité » fait à Macron par plusieurs candidats, ce qu’il considérant comme « inquiétant » car le président était selon lui « le mieux élu de toute la cinquième république ». Nos confrères évoquent égalmenent une édition de Conspiracy News présentant l’affaire McKinsey, cabinet membre du Forum économique mondial, comme une « fausse » affaire instrumentalisée par des « complotistes », car le cabinet serait, le « coupable idéal […] des ennemis de la démocratie occidentale ».
Récemment, Reichstadt, a consigné un article avec David Medioni publié dans Franc-Tireur consacré au contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, George Soros, dans lequel il présent le principal soutien des Démocrates comme une « figure honnie par l’extrême droite complotiste, haï de Poutine comme d’Elon Musk », qui serait « l’objet de tous les fantasmes, un peu comme le baron Rothschild avant lui », sans préciser qu’Edmond de Rothschild était également un contributeur du FEM.
Une influence à questionner
Comme le souligne Rechecking, l’influence de Conspiracy Watch dépasse largement le cadre d’un simple média. Avec des liens étroits avec les pouvoirs publics, une capacité à influencer la modération des plateformes numériques, et des financements publics importants, l’organisation de Rudy Reichstadt occupe une place centrale dans la définition du débat public.
L’enquête met en lumière les risques liés à ce monopole d’influence, qui brouille la frontière entre information, militantisme et propagande institutionnelle.