Rodolphe Saadé, PDG de l’armateur CMA-CGM, était auditionné le 12 mai par la commission d’enquête sénatoriale sur les aides publiques aux grandes entreprises. Au cœur des échanges : la taxe au tonnage, une niche fiscale maritime qui aurait permis au groupe de réaliser une économie de 5,61 milliards d’euros en 2023.
Alors que l’impôt sur les sociétés en France s’élève à 25 % des bénéfices, les armateurs peuvent opter pour cette taxe forfaitaire basée sur le tonnage des navires, indépendamment de la valeur ou du volume transporté. Un mécanisme légal, en vigueur dans 23 pays de l’Union européenne, mais de plus en plus critiqué.
Une niche fiscale à l’impact colossal
Selon la Cour des comptes, ce dispositif aurait représenté un manque à gagner fiscal de 5,61 milliards d’euros pour l’État en 2023, contre 3,81 milliards en 2022. L’explosion des prix du fret maritime depuis la pandémie a fortement accru les marges de CMA-CGM, qui a pourtant réglé seulement 180 millions d’euros d’impôts l’année dernière.
« Cette taxe offre un régime fiscal extrêmement avantageux », a dénoncé le sénateur Fabien Gay, pointant les bénéfices exceptionnels de la CMA-CGM, qui a multiplié les investissements stratégiques : rachat de Bolloré Logistics, prise de participation dans des ports américains, acquisition de médias comme BFMTV, La Provence ou encore La Tribune.
CMA-CGM se défend et évoque la concurrence internationale
Face aux critiques, Rodolphe Saadé a justifié ce régime fiscal par la cyclicité du transport maritime et la nécessité de rester compétitif face aux géants internationaux. Il a souligné que ses concurrents bénéficiaient du même régime dans d’autres pays, et que le groupe avait été soumis en France à une contribution exceptionnelle en 2025, contrairement à d’autres armateurs étrangers.
De son côté, Ramon Fernandez, directeur financier du groupe, a relativisé l’ampleur du « cadeau fiscal », rappelant que sur la période 2004-2021, le coût annuel pour l’État n’était que de 90 millions d’euros en moyenne.
La filière maritime redoute une remise en cause
Dans une tribune publiée en 2024, 57 armateurs français s’étaient opposés à la suppression de cette taxe, arguant que son coût budgétaire moyen était de 46 millions d’euros par an sur la décennie précédente. Pour eux, la suppression du dispositif porterait un coup à la compétitivité de la filière maritime française, mais aussi à ses efforts de transition énergétique, chiffrés à 30 milliards d’euros par an jusqu’en 2050.
Alors que le débat fiscal revient au cœur de l’agenda politique, la taxe au tonnage illustre les tensions entre soutien à l’industrie stratégique française et équité fiscale dans un contexte budgétaire tendu.
Source : France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur.