Marine Le Pen a rejeté un texte européen visant à accélérer les expulsions d’exilés en situation irrégulière, au motif qu’il pourrait restreindre la souveraineté du droit français. Une position qui contredit celle de son représentant à Bruxelles, Fabrice Leggeri, et désoriente la stratégie du Rassemblement national dans les négociations européennes.
C’est un revirement inattendu qui crée des remous jusqu’à Bruxelles. Alors que le Parlement européen débattait d’un texte destiné à faciliter les expulsions d’exilés en situation illégale, la présidente du groupe des Patriotes, Marine Le Pen, a décidé de s’y opposer, estimant que le projet risquait de contraindre le droit français. Une décision prise d’autorité, en décalage avec la ligne initialement défendue par son camp.
Ce texte, proposé par la commission LIBE (Libertés civiles, justice et affaires intérieures), visait à uniformiser les procédures d’éloignement au sein de l’Union européenne et à renforcer la coopération entre États membres pour exécuter plus efficacement les expulsions. Une version révisée, jugée plus « souple », accordait davantage de marges de manœuvre nationales.
Une fracture dans le camp nationaliste
Du côté du Rassemblement national, le désaveu est clair. Fabrice Leggeri, ancien directeur de Frontex et figure de proue du RN à Strasbourg, avait soutenu le texte lors des négociations préliminaires, considérant qu’il représentait « un progrès concret dans la lutte contre l’immigration illégale ». L’intervention de Marine Le Pen a pris tout le monde de court : « Elle torpille complètement son camp », confie au Monde une source de gauche au sein de la commission LIBE.
Cette volte-face affaiblit la position de négociation du groupe d’extrême droite européen, qui espérait influencer la rédaction finale du texte. Pour plusieurs eurodéputés, la décision de Le Pen illustre les tensions internes entre une ligne souverainiste rigide – hostile à tout transfert de compétences à Bruxelles – et une approche plus pragmatique défendue par ses élus européens.
Souveraineté nationale contre logique communautaire
Marine Le Pen justifie son opposition par un argument de principe : « Ce texte pourrait contraindre la France à se soumettre à des règles européennes incompatibles avec sa législation nationale. » Autrement dit, le RN refuse de cautionner toute harmonisation européenne qui risquerait de supplanter le droit français en matière migratoire.
Mais pour les observateurs à Bruxelles, cette posture idéologique prive le parti d’une occasion d’influer sur la politique migratoire européenne. « Le RN se retrouve dans une impasse : il réclame une Europe des nations, mais refuse tout mécanisme européen, même quand il va dans son sens », analyse un diplomate européen cité par Politico Europe.
Une aubaine pour les autres groupes politiques
Cette désunion au sein de l’extrême droite pourrait profiter aux groupes centristes et sociaux-démocrates, qui voient dans cette fracture une opportunité de renforcer le texte. « Cela nous facilitera la tâche, puisque le premier parti nationaliste refusera le texte quoi qu’il arrive », ironise un élu de la gauche européenne.
À quelques mois des nouvelles discussions sur le Pacte européen sur la migration et l’asile, ce revirement affaiblit la crédibilité du RN comme force de négociation à Bruxelles. Il révèle aussi les contradictions d’un parti qui, sur la scène européenne, oscille encore entre discours souverainiste et participation institutionnelle.
Sources :
Le Monde – Marine Le Pen s’oppose à un texte européen sur les expulsions, désavouant son camp – lien – 04/10/2025
Politico Europe – Le Pen’s veto weakens far-right bloc on EU migration deal – lien – 04/10/2025
La Repubblica – Le Pen spacca l’estrema destra sull’immigrazione a Bruxelles – lien – 04/10/2025