À l’occasion de la douzième série de négociations intergouvernementales pour un accord mondial sur les pandémies, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a tenu une conférence de presse pour faire le point sur les progrès réalisés. Le 12e cycle, lancé le 4 novembre, devrait se conclure le 15 novembre. Les co-présidentes de cette initiative, l’ambassadrice en charge des questions de santé mondiale, Anne-Claire Amproux (France) et Precious Matsoso (Afrique du Sud), accompagnées de Steve Solomon, principal conseiller juridique de l’OMS, ont présenté les avancées de ces discussions essentielles pour prévenir de futures crises sanitaires globales.
Les États membres de l’OMS s’efforcent de parvenir à un consensus sur les grandes lignes d’un accord pandémique, comme convenu lors de la dernière Assemblée mondiale de la Santé qui s’est déroulée au mois de juin. Ils n’avaient alors pas réussi à se mettre d’accord, mais avaient convenu de conclure ce traité « aussi vite que possible », selon l’ambassadrice Amperoux.
Des incertitudes sur le processus exact de conclusion de cet accord ?
Lors de la conférence de presse de l’OMS qui s’est tenue le 1er novembre, des incertitudes ont été soulevées concernant le processus exact de conclusion de cet accord et son éventuelle finalité. Derek Walton, membre du conseil juridique de l’OMS, a souligné que l’organe intergouvernemental de négociation (INB) allait se réunir pour sa 12e session, une étape cruciale pour décider de la tenue d’une session spéciale de l’Assemblée mondiale de la Santé avant la fin de l’année. « En mai, l’Assemblée mondiale de la Santé a décidé que l’accord sur la pandémie devrait être finalisé d’ici la session de mai prochain, voire plus tôt, si possible avant la fin de 2024 », a-t-il ajouté, précisant que la date limite pour décider de cette session spéciale se situait « dans les deux prochaines semaines ». Le Dr Tedros a rappelé qu’il n’y avait pas de date limite ferme pour cet accord, qui pourrait encore être négocié l’année prochaine.
Aujourd’hui, Amproux a expliqué que des réunions de l’INB avaient eu lieu au mois de septembre et que les discussions actuelles, marquées par un climat constructif, visent à finaliser les articles clés de l’accord, incluant la prévention des pandémies, le partage technologique et le renforcement des systèmes de santé. La Française a mentionné des conversations entre toutes les parties prenantes : les États, mais aussi la société civile et des organisations de l’ONU. « Il y a une unanimité sur le fait que nous avons besoin d’un accord pandémique dans le contexte actuel », a-t-elle déclaré.
Des enjeux cruciaux : prévention, accès aux technologies et coopération internationale
Les discussions actuelles portent principalement sur trois articles fondamentaux : la prévention, le système de partage des bénéfices et des pathogènes (PAPS), et le transfert technologique. Ces éléments constituent la base d’une réponse coordonnée pour prévenir les pandémies. Mme Amperoux a souligné que des progrès significatifs ont été accomplis, mais que le consensus reste encore à atteindre, notamment sur les articles relatifs à l’accès équitable aux ressources en temps de crise. « Il y a aussi eu une discussion étroite sur les fondations institutionnelles, l’architecture légale du traité sur les pandémies, qui est également clé pour les États membres, en ce qui concerne les garanties pour comprendre cette architecture », a ajouté l’ambassadrice française, précisant que « les États membres pensent qu’il y a encore du travail à faire et qu’ils veulent utiliser la semaine prochaine pour continuer à progresser ». Amperoux table sur un accord en mai 2025.
Optimisme et défis pour une coopération mondiale renforcée
Precious Matsoso a encouragé les États membres à maintenir leur engagement, rappelant l’importance d’un cadre de collaboration mondiale, comme cela a été le cas pour la lutte contre le tabagisme et les accords climatiques. Elle a également mis en avant l’urgence de parvenir à un accord, expliquant que deux ans et neuf mois de négociations représentent une avancée rapide pour un projet d’une telle ampleur. Les pays sont ainsi invités à dépasser leurs différences pour établir un dispositif qui soit bénéfique à tous en cas de futures crises. « Notre plus grande peur, c’est que la prochaine pandémie soit plus sévère que celle de la COVID-19 », a-t-elle indiqué.
Les prochaines étapes vers un consensus
Le prochain cycle de négociations, qui pourrait avoir lieu en décembre, devrait permettre aux États membres de réaliser une évaluation globale du projet d’accord. Selon Steve Solomon, l’OMS agira en tant que facilitateur, travaillant avec les 194 États membres pour affiner les modalités juridiques et opérationnelles de l’accord. Les décisions finales, notamment concernant le statut contraignant de certaines dispositions, seront prises en fonction des compromis trouvés entre les différentes parties prenantes.
Les cadres de l’OMS ont précisé qu’il devrait bien y avoir de nouvelles discussions au mois de décembre, le 6 plus précisément, même si la forme de la réunion n’a pas encore été déterminée. Il pourrait s’agir d’une réunion spéciale de l’Assemblée mondiale de la Santé ou d’une réunion de ministres.
Un rôle central de l’OMS et des États-Unis dans les négociations
La question de l’engagement des États-Unis, en particulier dans le contexte de possibles changements politiques, a également été soulevée par les journalistes, alors que Donald Trump est plus sceptique que Biden à l’égard de l’OMS et qualifie ce traité de « monstruosité ». Comme le journaliste américain James Roguski, le Dr German Velasquez, ancien cadre de l’OMS, et Elon Musk, l’ancien président des États-Unis, s’inquiète des risques que ce traité fait peser sur la souveraineté des États membres de l’agence onusienne.
Solomon a souligné que les États-Unis étaient un État parmi les 194 États membres de l’OMS, comme l’avait déjà fait son collègue Derek Walton du service juridique. « Ce n’est pas le rôle du secrétariat de spéculer sur les intentions des États membres individuels ou sur les implications possibles de leurs décisions », a-t-il ajouté. « Les États-Unis négocient encore comme n’importe quel autre État membre présent dans la salle, rien n’a changé. »
Le traité des pandémies va-t-il être ratifié par les parlements des États membres ?
Une journaliste de Politico a également demandé des précisions légales sur la ratification de ce traité par les États membres, notamment si celui-ci sera soumis aux parlements nationaux et s’il pourrait rencontrer des obstacles juridiques.
Precious Matsoso a souligné que les États membres avaient plusieurs options, mais que ce traité comportait des « obligations fortes » qu’ils comprennent comme nécessaires, même si « certains d’entre eux ne sont pas à l’aise ». « Il y a aussi des discussions en cours sur l’architecture légale qui sera acceptable », a ajouté Matsoso, soulignant que les pays travaillaient encore sur « le texte le plus approprié qui peut être incorporé ».
Quel rôle pour l’architecture de Santé, One Health ?
Kerry Cullinan de Health Policy Watch a évoqué l’approche One Health ou « Une seule santé », que l’OMS présente également comme la nouvelle architecture de Santé. Cette approche permet à l’OMS de donner des directives aux États membres. La journaliste a indiqué que One Health était mentionnée dans « une sorte d’annexe qui sera déterminée plus tard ». « Allez-vous toujours garder cela de côté et apporter plus de détails par la suite alors que le traité est sur le point d’être ratifié ? »
Amperoux a répondu que « les États membres discutent toujours de cette question, ce qui concerne l’architecture légale de l’accord ». « Je suis désolée, mais je ne peux pas répondre aujourd’hui. »
L’ambassadrice française a également tenu à souligner le problème de désinformation entourant ce traité sur les pandémies, notamment en ce qui concerne le transfert de souveraineté, qu’elle qualifie de « problème clé ».