Pavel Durov, le fondateur et PDG de l’application de messagerie Telegram, a été arrêté en France ce samedi 24 août, marquant une première mondiale. Interpellé à l’aéroport du Bourget à Paris, M. Durov, qui est un défenseur de la liberté d’expression est accusé de complicité dans divers dossiers impliquant notamment le trafic de drogues, l’apologie du terrorisme, et le cyberharcèlement.
Durov a cofondé en 2006 le réseau social, VKontakte, souvent comparé à Facebook, dont il a été le directeur général jusqu’en avril 2014. Il a ensuite revendu ses parts de VKontakte à des oligarques russes, sous la contrainte selon lui. Entre temps, il avait co-fondé avec son frère Nikolaï, l’application Telegram en 2013. Durov, ayant fui la Russie en 2014 est devenu citoyen français en 2021. Lors de sa naturalisation, les autorités ont françaises évoquaient « un étranger francophone qui contribue par son action « émérite » au rayonnement de la France et à la prospérité de ses relations économiques internationales ».
Les raisons de l’interpellation
Au cœur de cette affaire se trouvent des accusations concernant l’absence de modération sur la plateforme Telegram. Avec près d’un milliard d’utilisateurs à travers le monde, et une forte présence dans les anciennes républiques soviétiques telles que la Russie et l’Ukraine, Telegram est l’une des applications de messagerie les plus populaires, aux côtés de WhatsApp. Son succès est attribué à ses fonctionnalités de groupes de discussion, mais aussi à sa politique de faible modération.
Une enquête de longue haleine
L’arrestation de Pavel Durov intervient dans le cadre d’une enquête lancée par l’Office français de la lutte contre les violences faites aux mineurs (Ofmin). Cette enquête portait initialement sur la diffusion de contenus pédopornographiques sur Telegram, mais a rapidement élargi son champ d’investigation pour inclure des infractions telles que le cyberharcèlement et le crime organisé. Plusieurs services enquêteurs, dont l’Unité nationale cyber de la gendarmerie nationale et l’Office national antifraude (ONAF), ont participé à cette enquête.
La réponse de Telegram
Dans un communiqué, Telegram a déclaré qu’il se conformait aux lois européennes et que son PDG, Pavel Durov, n’avait « rien à cacher ». L’entreprise a exprimé son espoir pour une « résolution rapide de la situation ».
La plateforme a été critiquée pour sa gestion laxiste de la modération, avec des accusations de faciliter des contenus extrémistes, terroristes, et de désinformation. Durov, libertarien convaincu, s’est toujours opposé à la « censure », défendant sa position sur la liberté d’expression, même s’il s’était dit prêt à améliorer la politique de modération sans tomber dans l’autoritarisme. Dans les colonnes du Financial Times, il affirmait croire « en la concurrence des idées », soulignant que « toute idée doit être soumise à la critique ».
Interviewé par Tucker Carlson, Durov s’était d’ailleurs félicité du rachat de Twitter par Elon Musk, qui en a fait le royaume du « free speech ». Le patron de Telegram a d’ailleurs reçu le soutien du patron de X, tandis que Tucker Carlson estime qu’avec son incarcération, « les ténèbres s’abattent sur le monde libre ».
Alexis Poulin estime quant à lui que l’arrestation de Durov, n’est pas motivée par la lutte « contre la criminalité sur Telegram ». « C’est pour forcer la plateforme à collaborer avec le renseignement US comme Meta et anciennement Twitter ».
Selon le journaliste Français, cette interpellation est « un coup de poignard aux libertés fondamentales et au droit à l’anonymat ». « La France, en bonne province américaine, n’est pas le pays des libertés« , déclare-t-il sur X.
Lors de son entretien avec Tucker Carlson, Durov, a exprimé ses préoccupations concernant l’intérêt excessif que sa plateforme recevait de la part des agences de sécurité, notamment aux États-Unis. Il a cité un incident où, lors d’une visite dans ce pays, un ingénieur de Telegram qui l’accompagnait aurait été approché par des agents de sécurité cyber pour discuter des bibliothèques open source utilisées dans Telegram et pour le persuader d’intégrer certains outils open source dans le code de l’application, ce que Durov suspectait être une tentative d’introduire une porte dérobée. Durov trouvait cette approche intrusive et offensante. Il a également mentionné des incidents similaires de surveillance directe de sa personne, ce qui le faisait douter de l’environnement sécuritaire des États-Unis pour son entreprise.