L’installation « Stranger Lights », financée par Netflix, plateforme de streaming membre du Forum économique mondial, pour l’édition 2025 de la Fête des Lumières, divise profondément les élus lyonnais. Accusé de transformer un mécénat en opération commerciale, le partenariat ravive les tensions politiques à l’approche des municipales de 2026, sur fond de contraintes budgétaires.
Place Sathonay, dans le premier arrondissement de Lyon, l’univers surnaturel de Stranger Things s’apprête à s’inviter à la Fête des Lumières. Du 5 au 8 décembre, l’installation « Stranger Lights », financée par Netflix à hauteur de 152 000 euros, promet une immersion dans le fameux « Upside Down ». Pourtant, avant même son ouverture au public, l’œuvre attise une vive controverse au conseil municipal et agite le débat politique lyonnais.
Lors de la séance du 20 novembre, plusieurs élus d’opposition ont dénoncé un partenariat qu’ils jugent contraire à l’esprit de l’événement. Nathalie Perrin-Gilbert, ancienne adjointe à la culture et candidate divers gauche aux municipales de 2026, accuse la municipalité d’opérer une « mise en avant directe d’une marque commerciale », rappelant que la Fête des Lumières n’a pas vocation à devenir une vitrine pour des « franchises internationales ». Pour elle, présenter cette collaboration comme du mécénat relève d’un « travestissement », selon les propos rapportés par France 3 Auvergne-Rhône-Alpes. L’élue a d’ailleurs annoncé vouloir saisir la préfecture et le tribunal administratif, demandant par ailleurs l’accès à la convention signée avec Netflix, que la Ville refuse pour l’instant de rendre publique.
La critique trouve un écho chez d’autres élus, notamment Béatrice Gailliout, progressiste et républicaine, qui s’étonne qu’un événement patrimonial aussi emblématique s’associe à « une entreprise américaine connue pour son optimisation fiscale osée ». Cette installation constituerait une première pour la Fête des Lumières, qui réunit chaque année plusieurs millions de visiteurs et demeure pour les Lyonnais un marqueur identitaire majeur.
De son côté, l’exécutif municipal défend la légalité du partenariat. Le maire écologiste Grégory Doucet assure qu’« aucune publicité ne sera faite sur la place Sathonay », précisant que les contreparties accordées au mécène demeurent inférieures au seuil de 25 % de la valeur du don, comme l’exige la loi. Le logo de Netflix sera absent du site, un point que la Ville martèle pour désamorcer les accusations de promotion commerciale. Julien Pavillard, directeur artistique de la Fête des Lumières, insiste lui aussi sur le caractère strictement artistique de la collaboration. Dans Euronews, il défend « l’apport un peu inquiétant, un peu merveilleux » qu’offre l’univers de Stranger Things à la manifestation lyonnaise, rappelant que l’installation est conçue par Stéphane Durand, artiste fidèle de l’événement.
Du côté de Netflix, la plateforme se montre discrète. Un représentant rappelle simplement à Euronews que « ce sont les organisateurs et la communauté qui fixent les règles des partenariats », se tenant à distance d’un débat très local mais hautement politique. Il faut dire que la question des financements privés n’est pas nouvelle. Une installation inspirée de Pac-Man avait déjà été soutenue par l’éditeur du jeu vidéo, mais cette fois, l’échéance des municipales de 2026 et la visibilité de Netflix ajoutent une charge symbolique supplémentaire.
La polémique éclate également dans un contexte budgétaire tendu. Pour l’édition 2025, la Ville de Lyon a réduit sa contribution de 800 000 euros, passant de 32 à 23 installations. Une contraction qui pousserait la municipalité à multiplier les mécénats pour maintenir une programmation d’envergure. Cette dépendance accrue au financement privé alimente les inquiétudes d’une partie de la classe politique, qui redoute de voir l’événement perdre une part de son identité au profit de collaborations jugées trop commerciales.
Sources :
BFM, Euronews, Fête des Lumières