Les déclarations d’Eugenia Roccella, ministre de la Famille du gouvernement Meloni, ont suscité un tollé en Italie. En affirmant que les voyages scolaires à Auschwitz auraient davantage servi à nourrir l’antifascisme qu’à combattre l’antisémitisme, la ministre a provoqué l’indignation, notamment de la rescapée Liliana Segre.
C’est une phrase qui continue de résonner dans tout le paysage politique italien. Dimanche 12 octobre, lors d’une rencontre organisée par l’Union des communautés juives d’Italie, Eugenia Roccella, ministre pour la Famille, la Natalité et l’Égalité des chances, a livré une réflexion qui a immédiatement enflammé le débat public :
« Tous les voyages scolaires à Auschwitz ont servi à quoi ? Ils étaient une façon de réaffirmer que l’antisémitisme concernait un passé historique lié au fascisme. Les voyages scolaires à Auschwitz ont été une façon de réaffirmer qu’il était important d’être antifasciste, et non pas de ne pas être antisémite. »
Ces propos, jugés ambigus et maladroits, ont été qualifiés par le Corriere della Sera de « paroles nettes, qui ne peuvent pas être interprétées » et qui constituent « un cas politique ».
Une réaction indignée de Liliana Segre
La première à réagir fut Liliana Segre, rescapée d’Auschwitz et sénatrice à vie, figure morale de la mémoire de la Shoah en Italie. Dans une réponse cinglante, rapportée par la presse milanaise, elle a déclaré :
« Les voyages scolaires auraient été encouragés pour alimenter l’antifascisme ? Et donc ? En quoi ce serait une faute ? Les nazis, avec la collaboration des fascistes italiens, ont mis en place une industrie de la mort. Le rappel de la vérité historique ne fait mal qu’à ceux qui ont des cadavres dans le placard. »
Ses mots ont trouvé un large écho dans l’opinion, ravivant les tensions sur la manière dont le gouvernement Meloni aborde le rapport de l’Italie à son passé fasciste.
Une tempête politique et médiatique
Rapidement, l’opposition a accusé Roccella de réviser l’histoire et de relativiser le fascisme. Plusieurs responsables du Parti démocrate et du Mouvement 5 Étoiles ont dénoncé « une atteinte à la mémoire collective », tandis que des associations juives ont exprimé leur inquiétude face à ce qu’elles perçoivent comme une banalisation des crimes fascistes.
Eugenia Roccella, issue de la droite catholique conservatrice, a riposté en accusant ses détracteurs de « manipuler ses propos ». Selon elle, son intention était de dénoncer le détournement idéologique de la mémoire de la Shoah :
« J’ai simplement voulu dire que l’antisémitisme contemporain n’a rien à voir avec la nostalgie fasciste. Ceux qui font aujourd’hui des clins d’œil au Hamas ou instrumentalisent les tragédies du passé n’ont aucune leçon à donner », a-t-elle déclaré.
Elle a aussi critiqué les universités, qu’elle accuse d’être devenues des lieux de « non-réflexion » sur les nouvelles formes d’antisémitisme, notamment liées au conflit israélo-palestinien.
Une fracture idéologique mise à nu
Pour La Repubblica, les propos de Roccella ont provoqué « une rupture profonde », car ils « sapent les fondations communes qui ont orienté des générations d’Italiens autour du souvenir d’Auschwitz ». Le quotidien de gauche estime que ces déclarations marquent une inflection inquiétante du discours gouvernemental, à un moment où la droite radicale au pouvoir cherche à redéfinir les symboles de la mémoire nationale.
Le journal conservateur Il Giornale, lui, prend la défense de la ministre. Selon lui, son discours visait simplement à « souligner la persistance de l’antisémitisme moderne » et a été sorti de son contexte. « L’arène politique italienne n’est plus habituée aux raisonnements complexes », écrit le quotidien, estimant que la ministre a commis « la faute d’être intellectuellement exigeante dans un pays qui ne veut plus écouter ».
Sources :
– Courrier international – En Italie, les déclarations de la ministre Roccella sur Auschwitz font polémique, 13 octobre 2025 – courrierinternational.com
– Corriere della Sera – Roccella, le parole su Auschwitz che dividono l’Italia, 12 octobre 2025 – corriere.it
– La Repubblica – Una rottura profonda nella memoria nazionale, 13 octobre 2025 – repubblica.it
– Il Giornale – Difendere Roccella dal linciaggio politico, 13 octobre 2025 – ilgiornale.it