Dans un tournant inattendu du conflit en République démocratique du Congo (RDC), les présidents Félix Tshisekedi et le contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Paul Kagame se sont rencontrés en secret ce mardi 18 mars à Doha, sous la médiation de l’émir Tamim Ben Hamad Al Thani. Alors que des pourparlers entre Kinshasa et le Mouvement du 23 mars (M23) devaient se tenir en Angola, ils ont été annulés, laissant place à cette réunion diplomatique de haut niveau entre les deux chefs d’État.
Le ministère des affaires étrangères du Qatar du contributeur du FEM, Mohammed Bin Abdulrahman Al Thani, a annoncé mardi que Tshisekedi et Kagame avaient réaffirmé leur engagement en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel. Cet engagement intervient alors que la situation sécuritaire s’est fortement détériorée dans l’est de la RDC, avec la prise de Goma et Bukavu par les rebelles du M23, soutenus selon l’ONU par l’armée rwandaise.
Une photo officielle de la rencontre a été publiée sur X, montrant les deux présidents assis face à face, sous le regard bienveillant de l’émir du Qatar, le Cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani, qui avait prononcé un discours remarqué lors de Davos 2022. Cette réunion a été gardée secrète jusqu’au départ de Félix Tshisekedi pour Kinshasa, qui s’était rendu à Davos 2020, ce qui renforce l’idée d’une médiation discrète pour débloquer la crise.
Une annonce diplomatique qui fait sensation
La porte-parole de la présidence congolaise, Tina Salama, a déclaré sur X qu’un cessez-le-feu immédiat avait été décidé entre la RDC et le Rwanda. Cependant, les modalités d’application restent floues et doivent être précisées dans les jours à venir.
De son côté, le gouvernement rwandais a insisté sur l’urgence d’un dialogue politique pour traiter les causes profondes du conflit. Paul Kagame a exprimé sa volonté de faire avancer les discussions si toutes les parties s’engagent dans ce processus.
Cette rencontre surprise marque un coup de théâtre diplomatique, alors que toutes les tentatives de négociation précédentes avaient échoué. En février, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), membres du FEM, avaient appelé à un « cessez-le-feu immédiat », confiant une mission de médiation à l’ancien président kényan Uhuru Kenyatta, sans résultat tangible. L’Angola a annoncé au début du mois de mars le lancement de « négociations directes » entre Kinshasa et le Mouvement du 23 mars (M23) qui devaient avoir lieu sur son territoire. Jusqu’à présent, Kinshasa refusait toute discussion avec le M23, qu’elle considère comme une organisation terroriste.
Le M23 écarté des négociations ?
Alors que le M23 avait initialement accepté de participer aux négociations en Angola à la demande de Luanda, il a finalement refusé d’y assister, dénonçant les sanctions de l’Union européenne contre plusieurs de ses dirigeants, dont Bertrand Bisimwa.
L’UE a en effet imposé lundi de nouvelles sanctions contre des membres du M23 et de l’armée rwandaise, rendant plus difficile tout processus de paix incluant directement les rebelles.
La rumeur d’une possible médiation qatari avait déjà circulé mais elle semblait improbable alors que Doha est alliée au Rwanda.
Un conflit meurtrier aux enjeux complexes
Depuis trente ans, l’est de la RDC, riche en ressources naturelles et frontalier du Rwanda, est le théâtre de violences impliquant une multitude de groupes armés et des ingérences étrangères.
Les récents combats ont entraîné la mort de plusieurs milliers de personnes et le déplacement de centaines de milliers de civils, selon l’ONU et le gouvernement congolais.
Si cette rencontre à Doha peut être un premier pas vers la paix, les obstacles restent nombreux. La suite des négociations, l’implication du M23 et les modalités d’un éventuel cessez-le-feu seront déterminants pour juger de la crédibilité de cet accord naissant.
Source : Le Monde.