L’Allemagne assiste à une montée inquiétante de l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), un parti d’extrême droite qui gagne du terrain à l’échelle locale, mettant en péril les partis politiques traditionnels. Lors des récentes élections régionales en Thuringe, Björn Höcke, chef de l’AfD dans cette région, a remporté une victoire historique avec 32,8 % des voix, devançant même les conservateurs de la CDU (Union Chrétienne-Démocrate). Ce succès est une première pour un parti d’extrême droite en tête d’une élection depuis la Seconde Guerre mondiale.
Bien que l’AfD soit principalement fort dans l’ex-Allemagne de l’Est, cette progression ne doit pas être minimisée. L’État fédéral a pourtant investi massivement pour réduire les disparités économiques entre l’Est et l’Ouest, et des entreprises majeures, comme TSMC de Taïwan, se sont implantées dans la région. Malgré ces efforts, l’AfD continue de séduire de nombreux électeurs en jouant sur une identité distincte des « Allemands de l’Est », construite en opposition à l’Ouest.
Des alliances locales qui fragilisent les partis traditionnels
La CDU, le seul parti traditionnel ayant résisté dans certaines régions, se retrouve dans une position délicate. Bien que ses dirigeants aient officiellement refusé toute coopération avec l’AfD, des alliances locales informelles ont été observées. Entre 2020 et 2023, des coopérations locales entre l’AfD et d’autres partis, y compris la CDU, ont été identifiées dans au moins 121 cas. Ces collaborations sur des sujets locaux, comme les augmentations de prix des jardins d’enfants ou l’organisation de marchés de Noël, compromettent l’étanchéité du « Brandmauer », le pare-feu contre l’extrême droite.
Un « cordon sanitaire » sous pression
La progression de l’AfD teste les limites du « cordon sanitaire » maintenu par les partis traditionnels allemands. En 2020, une coalition inattendue incluant l’AfD avait même vu le jour en Thuringe pour élire un nouveau ministre-président, provoquant une crise politique résolue seulement grâce à l’intervention de la chancelière de l’époque et contributrice de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Angela Merkel. Plus récemment, des déclarations contradictoires de Friedrich Merz, président de la CDU, sur des alliances locales ont montré que ce débat est loin d’être clos.
Vers une menace nationale ?
L’AfD ne compte pas s’arrêter à ces victoires locales et vise maintenant les élections fédérales de septembre 2025. Son implantation croissante et les alliances opportunistes qu’elle noue à l’échelle locale posent un défi sérieux pour les partis traditionnels. Le risque est que ce succès à l’échelle locale finisse par se propager à l’ensemble du pays, modifiant profondément le paysage politique allemand.
L’ascension de l’AfD montre que la politique locale en Allemagne pourrait avoir des répercussions nationales majeures. Les partis traditionnels sont confrontés à un choix difficile : maintenir un front uni contre l’extrême droite ou risquer de voir l’AfD s’emparer de plus de pouvoir, bouleversant ainsi l’équilibre démocratique établi depuis des décennies.