Les retraits massifs opérés sur le Livret A en octobre témoignent d’un basculement inédit dans les habitudes d’épargne des Français. Alors que la rémunération du placement star chute, les particuliers redirigent leur argent vers la Bourse ou vers l’assurance-vie, devenue le nouveau refuge rentable de l’année 2025. Une recomposition silencieuse, mais profonde, de l’épargne nationale.
La décollecte du Livret A en octobre dernier a pris des allures de séisme financier. Près de 3,8 milliards d’euros ont été retirés en un mois, un record au regard de l’attachement quasi culturel que nourrissent 58 millions de Français pour ce produit d’épargne. Pourtant, cette fuite ne traduit pas une baisse du taux d’épargne, toujours solidement accroché à 19 % des revenus. Elle reflète surtout l’effondrement progressif de la rémunération du Livret A, passée de 3 % il y a un an à 1,7 % aujourd’hui, avec une nouvelle baisse probable à l’horizon.
Les français sont peut-être également apeurés par la mobilisation de l’épargne du Livret A pour financer l’industrie de Défense. Au début de l’année 2025, le sénateur LR et franc-maçon, Pascal Allizard avait d’ailleurs adressé un courrier au président de la République et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Emmanuel Macron, afin de relancer sa proposition de loi allant dans ce sens.
Une part de ces capitaux migre vers la Bourse, dopée ces derniers mois par l’engouement autour des entreprises liées à l’intelligence artificielle. L’Autorité des marchés financiers constate une hausse de 23 % du nombre de boursicoteurs au troisième trimestre par rapport à l’année 2024, tandis que les opérations boursières progressent de 18 % sur un an. Un retour en grâce qui n’avait plus été observé depuis quatre ans. Toutefois, ce mouvement pourrait connaître un coup d’arrêt. Les inquiétudes croissantes autour d’une possible correction brutale du secteur de l’IA, moteur central de la hausse actuelle des marchés, conjuguées à la perte de 19 % enregistrée par le bitcoin depuis janvier, nourrissent l’idée d’un ralentissement de la spéculation.
Cette incertitude profite à un autre placement, plus traditionnel mais redevenu très attractif : l’assurance-vie. Depuis janvier 2025, elle affiche une collecte nette de 39,4 milliards d’euros selon le Cercle de l’Épargne, soit plus du double de l’année précédente. Ce rebond spectaculaire s’explique par un rendement annoncé à 2,6 % pour 2025, nettement supérieur à celui du Livret A et suffisamment stable pour rassurer les ménages en quête de visibilité. Les discussions autour d’un éventuel impôt sur la fortune improductive, susceptible de toucher certains contrats, n’ont pour l’heure produit aucun effet notable. Mais les débats budgétaires à venir pourraient rebattre les cartes.
Comme chaque année, la fin d’automne vient mécaniquement ponctionner les portefeuilles. De septembre à novembre, les foyers piochent dans leurs économies pour honorer la taxe foncière et préparer les dépenses liées aux fêtes. Depuis 2009, seuls deux mois d’octobre ont présenté une collecte positive, mais jamais la décollecte n’avait atteint une telle ampleur que cette année. Le phénomène souligne la tension croissante sur le pouvoir d’achat et la fragilisation des arbitrages d’épargne, désormais plus sensibles aux rémunérations et aux cycles économiques.
Dans ce paysage mouvant, l’assurance-vie semble s’imposer comme le compromis idéal entre rendement, sécurité et flexibilité. Le Livret A, lui, subit le contrecoup de son attractivité déclinante, tandis que la Bourse demeure un terrain de jeu plus instable, parfois grisant, parfois périlleux. Les mois à venir diront si cette redistribution de l’épargne française marque un simple ajustement conjoncturel ou une transformation durable des comportements financiers.