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Hakan Fidan. Photo : @Chuck Kennedy/Official State DepartmentUSA

Hakan Fidan : « La Turquie offre une alternative sécuritaire et politique crédible à l’Afrique »

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Dans un entretien exclusif à Jeune Afrique, le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, détaille la stratégie d’Ankara sur le continent. Sécurité, renseignement, médiation et coopération militaire : la Turquie assume désormais un rôle actif, en marge des grandes puissances.

Ankara muscle sa présence en Afrique. Finis les discours uniquement commerciaux ou culturels : la Turquie affiche désormais une ambition sécuritaire assumée, nourrie de son expérience contre Daesh et les groupes kurdes, mais aussi d’une diplomatie pragmatique héritée de son positionnement à cheval entre OTAN, Russie et Moyen-Orient.

Hakan Fidan, ancien patron des renseignements turcs (MIT) et aujourd’hui homme de confiance de Recep Tayyip Erdogan, l’assume clairement :

« Nous mettons notre expertise au service de ceux qui la souhaitent. »

Une « diplomatie du drone » assumée

En Afrique de l’Ouest, la Turquie ne déploie pas de troupes massives, mais propose une autre forme de coopération : transfert de technologies, appui en renseignement, formation de cadres sécuritaires, notamment au Niger, au Tchad, au Mali et en Somalie.

« Certaines de nos capacités, ne serait-ce que 1 %, peuvent suffire à changer la donne pour ces pays confrontés au terrorisme », résume Hakan Fidan.

La Turquie se présente comme un allié sans passif colonial, ce qui lui permet d’afficher un discours anticolonial séduisant, tout en concurrençant la Russie (Africa Corps, ex-Wagner) et la Chine sur le terrain de la coopération militaire.

Une vision stratégique d’un « Sud global » souverain

Face aux accusations françaises sur une supposée stratégie d’influence antifrançaise, le chef de la diplomatie turque rejette en bloc :

« Nous ne propageons pas de ressentiment. Ce sont les peuples africains qui tirent leurs conclusions de leur histoire. »

Ce positionnement fait mouche dans des pays en quête d’autonomie stratégique. La Turquie se veut alternative aux modèles occidentaux, sans idéologie mais avec un discours aligné sur les attentes africaines : souveraineté, respect mutuel, et solutions locales.

Médiateur en chef sur la scène africaine

La Turquie ne se contente pas d’aider militairement. Elle s’impose aussi comme un médiateur crédible. Après avoir facilité un accord entre la Somalie et l’Éthiopie fin 2024, Ankara propose désormais ses services au Soudan et reste active sur le dossier libyen.

« Nous pouvons parler aux deux parties », insiste Fidan à propos du conflit entre Burhane et Hemetti.

Même sur la question du Sahara occidental, Ankara reste équilibrée : soutien aux négociations onusiennes et pas de prise de position directe, afin de préserver ses liens à la fois avec Rabat et Alger.

Une puissance d’équilibre entre l’Occident et la Russie

Dans un contexte d’incertitude géopolitique en Europe, la Turquie revendique un rôle d’équilibriste lucide : membre de l’OTAN, mais en bons termes avec Moscou ; alliée de Kiev, mais favorable à une sortie diplomatique de la guerre.

Hakan Fidan va plus loin :

« Ce que Trump souhaite — l’arrêt de la guerre — correspond à notre position depuis le début. »

Ankara, bientôt incontournable sur le continent ?

Loin d’être une opération opportuniste, la stratégie africaine de la Turquie s’inscrit dans la durée. Son avantage ? Une approche multidimensionnelle : aide humanitaire, investissements, infrastructures… mais aussi capacité à parler le langage sécuritaire sans imposer d’agenda idéologique, du moins officiellement.

Dans un espace africain en recomposition, où les anciens repères (France, ONU, UE) s’effritent, la Turquie incarne une puissance montante, agile, décomplexée, et bien implantée.

Source : Jeune Afrique.

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