À Pouilley-Français, près de Besançon, 83 vaches vaccinées contre la dermatose nodulaire contagieuse ont été abattues ce mardi, malgré la présence de plusieurs centaines de manifestants venus tenter d’empêcher l’opération. Entre tensions avec les forces de l’ordre, inquiétudes sanitaires et colère agricole, l’affaire révèle une fracture profonde autour de la gestion des crises sanitaires.
Le ciel gris du Doubs n’a pas suffi à apaiser une matinée marquée par la tension. Plusieurs centaines de personnes s’étaient rassemblées mardi 2 décembre à Pouilley-Français, près de Besançon, pour tenter de bloquer l’abattage de 83 bovins infectés par la dermatose nodulaire contagieuse (DNC). Une mobilisation rare, témoignant d’un malaise croissant dans le monde agricole face à des décisions jugées brutales. Malgré ces protestations, la préfecture a maintenu l’opération et les gendarmes ont eu recours au gaz lacrymogène pour disperser les manifestants.
Le propriétaire du troupeau, Cédric Lhomme, avait lancé un appel relayé par la Coordination rurale et la Confédération paysanne. Les bovins, pourtant vaccinés, devaient être euthanasiés après la détection d’un cas positif vendredi. Pour les services de l’État, aucune hésitation n’était possible : l’animal infecté présentait une charge virale « extrêmement forte », justifiant l’abattage total du cheptel. « Les manifestants ont fait courir un risque réel pour d’autres élevages », a insisté Bruno Vincent, directeur départemental de la protection des populations.
La préfecture a fait état d’environ 300 manifestants et d’un dispositif de 175 gendarmes, déployés dès l’aube pour sécuriser l’exploitation. Deux personnes ont été interpellées, dont l’éleveur lui-même. Selon la préfecture, un tir défensif de LBD a été effectué face à des tracteurs avançant vers les forces de l’ordre, sans faire de blessés graves. Le procureur de Besançon a confirmé que les personnes en garde à vue étaient poursuivies pour violence avec arme et refus d’obtempérer, précisant qu’un conducteur avait été touché à l’épaule.
Malgré la contestation, le tribunal administratif de Besançon a rejeté, en début d’après-midi, le recours en référé déposé par les organisations agricoles. Dans son ordonnance, il estime que la vaccination du troupeau est intervenue trop tard pour éviter la propagation de la DNC, et que le risque pour les exploitations voisines demeure réel.
Un argument que réfutent les manifestants. Pour la Confédération paysanne, l’abattage total est une « politique sanitaire violente » appliquée de manière automatique, sans prendre en compte les possibilités de surveillance renforcée. « Tous les élevages autour sont vaccinés. Le risque est très faible », a soutenu Laurence Lyonnais-Meslob, porte-parole départementale. Céline Lhomme, épouse de l’éleveur, affirmait que la vache testée positive allait « très bien » et que les nodules visibles sur sa peau pouvaient simplement être liés à la vaccination. Elle dit avoir sollicité l’intervention de la ministre de l’agriculture, Annie Genevard, en vain.
La contestation a pris une ampleur nationale. À l’autre bout du pays, dans les Pyrénées-Orientales, une centaine de manifestants ont également tenté lundi d’empêcher l’abattage d’environ 80 bovins, avant d’être délogés par les gendarmes. Le collectif écologiste Les Soulèvements de la Terre a apporté son soutien aux éleveurs mobilisés.
Face à la colère grandissante, la préfecture du Doubs a déclaré que « l’opération de dépeuplement du cheptel est engagée » et assuré son « soutien total » à l’éleveur et aux équipes mobilisées. Mais sur le terrain, le sentiment d’injustice domine, nourri par la perception d’une gestion sanitaire jugée déconnectée des réalités rurales. Une crise qui, bien au-delà du village de Pouilley-Français, met une nouvelle fois en lumière la fragilité du dialogue entre autorités sanitaires et monde agricole.
Sources :
Le Monde – « Dans le Doubs, un troupeau de vaches abattu au nom de la dermatose… » (02/12/2025) – lien
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